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CEP : prendre sa carrière en mains

Publié le 15/11/2016

Mesure phare de la réforme de 2014, le conseil en évolution professionnelle (CEP) reste méconnu du grand public. Gratuit et ouvert à tous, il permet aux salariés de faire une mise au point sur leurs compétences et constitue une aide précieuse à la mobilité professionnelle. Reportage en Bretagne.

À quarante ans, Cécile songeait déjà depuis quelque temps à sa reconversion professionnelle. Après avoir travaillé vingt ans comme assistante administrative, elle a décidé de se faire accompagner par un conseiller en évolution professionnelle pour sauter le pas. «  Nous avons discuté de mes compétences et de leur équivalence. J’étais loin d’imaginer que mes années d’expérience professionnelle me permettraient de valider un niveau bac + 2. Ma transition professionnelle, je m’en faisais tout un monde, je me trouvais des excuses. Alors qu’au final, il suffisait juste d’oser.  » Oser ! C’est le slogan de la campagne lancée fin septembre [photo en tête d’article] par les organismes agréés, afin de promouvoir le conseil en évolution professionnelle (CEP).

tous les salariés et demandeurs d’emploi peuvent bénéficier de cet accompagnement gratuit pour réfléchir à leur parcours.

 Depuis 2014, tous les salariés et demandeurs d’emploi peuvent bénéficier de ce conseil et de cet accompagnement gratuit pour réfléchir à leur parcours. «  Certains souhaitent entamer une reconversion, d’autres envisagent une progression de carrière dans leur entreprise, explique Virginie Legas, conseillère CEP au Fongecif Bretagne. Notre rôle est d’amener la personne à travailler sur ses compétences, et de définir avec elle un projet qui répondra à ses attentes et aux réalités du marché du travail.  »

En 2015, l’organisme breton a reçu 16  800 demandes d’information et suivi 7  880 personnes pour un conseil approfondi. Virginie Jégu a été l’une des premières. Après un bac pro, elle enchaîne divers emplois dans la propreté, puis dans la distribution. Mais, à 30 ans passés, cette hôtesse de caisse, promue hôtesse d’accueil, a envie d’autre chose. Elle recherche des pistes de reconversion. «  Le BTS n’était pas une évidence, je ne m’en sentais pas l’étoffe. C’est en discutant avec ma conseillère que j’ai pris conscience que mes compétences pouvaient s’appliquer à d’autres métiers. Sur ses conseils, j’ai repris mes études. C’est vrai que ça demande un gros investissement personnel, mais le résultat est là.  » Désormais titulaire d’un BTS d’assistante de gestion PME-PMI, elle occupe un poste d’assistante commerciale en CDI depuis le 1er septembre.

 Démystifier le CEP

Si Virginie a saisi le CEP comme « une opportunité », prendre le temps de réfléchir à son parcours professionnel ne va pas de soi pour tous. Le Cnefop (Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles) révélait dans un premier bilan publié en avril 2016 que les demandeurs d’emploi sont 67 % à mobiliser leur droit au CEP. Loin, très loin, devant les salariés (17 %) et les indépendants, artisans, etc. (16 %). «  Nous devons démystifier le recours au CEP. Aujourd’hui, on voit trop de gens cheminer seuls ou attendre d’être au pied du mur pour rebondir, déplore la conseillère du Fongecif. Or la reconversion ou la transition professionnelle, selon qu’elle est choisie ou subie, se ressent sur la maturité du projet.  »

Je savais qu’à l’issue de mon arrêt de travail, j’avais la possibilité de reprendre mon emploi. Mais j’avais de sérieuses interrogations sur mon aptitude et ma volonté à rester à la découpe de volaille pendant les dix prochaines années.

À 52 ans, un accident domestique impose à Nadine Le Boëdec un arrêt de travail de longue durée. Une période qu’elle décide de mettre à profit pour jouer la carte de l’anticipation : «  Je savais qu’à l’issue de mon arrêt de travail, j’avais la possibilité de reprendre mon emploi. Mais j’avais de sérieuses interrogations sur mon aptitude et ma volonté à rester à la découpe de volaille pendant les dix prochaines années. Cet accident de parcours, c’était l’occasion de me poser un moment dans ma carrière, ce que je n’avais jamais eu l’occasion de faire.  » Après un entretien conseil au Fongecif, Nadine s’oriente vers un bilan de compétences. Au terme de celui-ci, elle envisage de se reconvertir dans le milieu social, même si elle admet que son projet n’est pas encore bien identifié.

 Comme elle, 33 % des 732 195 personnes ayant mobilisé un CEP en France en 2015 souhaitaient un diagnostic de leur situation professionnelle, une « prise de recul ». En revanche 30 % recherchaient directement un appui à l’élaboration d’une formation et à la validation d’un projet professionnel précis. Or «  la formation n’est pas un objectif en soi  », insiste Anne Savatier, de l’Association pour l’emploi des cadres de Bretagne. En 2015, sur les 2 200 cadres bretons suivis par cet organisme pour un CEP, seuls 10 % ont eu recours à une formation in fine.

 Deux ans après le lancement du CEP, les opérateurs chargés de sa mise en œuvre saluent unanimement un outil permettant de répondre à un besoin de conseil et d’accompagnement. Reste aujourd’hui à en faire profiter le plus grand nombre. Pour le seul territoire breton, on estime à environ 700 000 le nombre de salariés du privé qui pourraient potentiellement bénéficier de ce service. Un challenge pour les prochaines années.

aballe@cfdt.fr

©Photo Fongecif

 

     


3 questions à Dominique Gillier

“Les certifications professionnelles sont des repères indispensables pour les employeurs et les salariés”

D-GillierEx-secrétaire général de la FGMM-CFDT (Fédération générale des mines et de la Métallurgie). Vice-président du Conseil économique, social et environnemental. Rapporteur de l’avis sur les certificats de qualification professionnelle adopté le 13 septembre dernier.

Pourquoi le Conseil économique, social et environnemental (Cese) s’est-il saisi de la question des certificats de qualification professionnelle ?

L’accord national interprofessionnel sur la formation professionnelle de fin 2013 a conduit à la loi du 5 mars 2014 qui transforme en profondeur notre système de formation. L’un des principaux objectifs de cette réforme est d’améliorer l’accès des salariés à des formations qualifiantes. Les certificats de qualification professionnelle (CQP) répondent à cet enjeu. Il s’agit d’une troisième voie de certification, à côté des diplômes d’État et des titres délivrés par les organismes de formation privés. Dans le cadre des nouveaux dispositifs créés par la loi (lire p. 17) et des nouvelles règles de financement de la formation professionnelle, les CQP ont un bel avenir devant eux si les branches, les entreprises et les salariés saisissent cette opportunité.

Quels sont les atouts des certificats de qualification professionnelle ?

Apparus au début des années 90, les CQP ont l’avantage d’être créés et gérés par les partenaires sociaux, d’impliquer ainsi les professionnels au plus près des réalités des activités et des métiers. Chaque branche professionnelle peut en effet créer des CQP en fonction de ses besoins en compétences. Ces certificats deviennent alors des repères structurants pour les employeurs comme pour les salariés. Lorsque le dialogue social de la branche est performant, ce dispositif souple et très réactif permet d’adapter les certifications et la formation professionnelle aux évolutions du travail.

Comment renforcer la place des CQP afin qu’ils remplissent leur mission ?

Le Cese a fait une série de recommandations qui s’adressent notamment aux partenaires sociaux. Nous proposons par exemple de travailler sur la visibilité et la cohérence du système dans son ensemble, notamment en répertoriant l’ensemble des CQP au sein de chaque branche afin que les entreprises, les salariés et les acteurs de l’orientation professionnelle des adultes disposent d’une meilleure information. Nous proposons également que les CQP soient découpés en blocs de compétences dont certains pourraient être communs à plusieurs certifications (CQP, diplômes ou titres) et à plusieurs branches. Cette organisation en modules autonomes permettrait aux salariés d’obtenir progressivement un CQP, un titre ou un diplôme pour faciliter leur progression de carrière et leur mobilité.
Nous recommandons aussi qu’un travail soit mené au niveau européen dans le cadre des comités de dialogue social sectoriel afin de favoriser la reconnaissance mutuelle des certifications. La place des CQP sera par ailleurs renforcée grâce au travail mené actuellement par les partenaires sociaux sur les branches professionnelles. Moins nombreuses et plus fortes, elles seront mieux armées pour mener une politique dynamique en matière de qualification et de formation professionnelles.

jcitron@cfdt.fr

     
       ©Photo DR