Les salariés de Camaïeu entre espoir et inquiétude abonné

En redressement judiciaire depuis fin mai, l’enseigne de prêt-à-porter a été reprise par la Financière immobilière bordelaise. Si 2 619 emplois sur 3 100 sont sauvés, l’incertitude quant à l’avenir demeure.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 08/09/2020 à 06h49

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Nordine Misraoui est épuisé. Depuis une semaine, le secrétaire du comité social et économique de Camaïeu épluche en commission paritaire les dossiers des salariés candidats au départ volontaire, dont la limite de dépôt avait été fixée au 18 août. Rester ou partir… pour beaucoup, le dilemme est cornélien. « Ces dernières semaines, j’ai reçu des coups de fil de salariés indécis plusieurs fois par jour. Certains me disent : “Je voudrais partir mais quand je fais mes comptes, je suis condamné à rester.” Parce qu’ils ont un crédit, se sont installés il y a dix ans, ont acheté une maison… S’ils perdent leur travail, ils perdent tout ! », lâche-t-il. Tous savent le secteur de l’habillement sinistré, et la difficulté qu’ils auront à retrouver un emploi s’ils ne se reconvertissent pas rapidement. Les salariés dont le volontariat au départ aura été accepté seront licenciés pour motif économique et pourront bénéficier des mesures d’accompagnement prévues dans le PSE. Mais Nordine le sait, il y aura des déçus. « Les prochains jours s’annoncent difficiles, même si on est soulagés, évidemment, que l’offre de reprise que l’on défendait ait été retenue. »

Zones d’ombre

En redressement judiciaire depuis le 26 mai, l’enseigne a été reprise le 17 août par la Financière immobilière bordelaise (FIB), dont le projet prévoit que 2 619 des 3 100 salariés et 511 des 634 magasins soient conservés. Une autre offre était en concurrence : celle de… l’actuelle direction, qui proposait de garder 2 520 emplois et 446 magasins. Une offre « moralement pas acceptable », estime alors l’intersyndicale CFDT-CGT-FO, qui plus est annoncée dans des conditions rocambolesques. « Initialement prévue le 20 mai, la réunion du CSE a été repoussée deux fois, avec l’inscription à l’ordre du jour de points d’informations divers. Et puis, finalement, on a vu la direction générale débarquer en réunion le 26 mai, et nous annoncer la nouvelle », se souvient Nordine. Le choc est total. Entre-temps, une ordonnance du 20 mai relative aux difficultés des entreprises dues à l’épidémie de Covid-19 autorise les dirigeants à déposer une offre de reprise de leur propre société. Une aubaine pour la direction de Camaïeu – totalement injustifiée selon la CFDT. « Chez Camaïeu, on a la culture du secret. Mais la crise sanitaire, je n’y crois pas une seconde ! On a une activité qui commence le 1er avril 2019 et se termine le 31 mars 2020. Le confinement a eu lieu le 17 mars, ce qui relativise nettement l’impact du Covid sur la situation de l’entreprise. » Nordine en veut pour preuve les deux ou trois fermetures de magasins survenues chaque mois au cours des deux dernières années, et la reprise à la fin 2018 de la société par ses créanciers,…

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