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L'économie du sport

Publié le 09/07/2019 (mis à jour le 12/07/2019)

Cet avis centré sur les enjeux économiques du sport (près de 40 milliards d’euro de dépenses publiques et privées) complète opportunément l’avis relatif à « L’accès du plus grand nombre à la pratique d’activités physiques et sportives » adopté par le CESE il y a juste un an. Les groupes CFDT et Environnement se sont associés pour une déclaration commune.

L'avis s’inscrit dans la perspective des JO 2024, et aborde la délicate question des bénéfices économiques escomptés de ce type d’évènement sur les territoires d’accueil. En effet, si des études ex ante insistent sur les bénéfices et soutiennent l’accueil des JO, les études ex post sont moins médiatisées. Quand elles existent, elles appellent à une certaine prudence : ainsi pour les JO 2012 de Londres, le coût prévisionnel était de 5 milliards de dollars, pour un coût réel de 18 milliards (dont une partie à la charge du contribuable britannique). De ce constat et pour ce qui est des JO de Paris 2024 (un coût estimé d’à peine 6 milliards d’euro), l’avis recommande notamment de privilégier les dépenses d’infrastructures, de transport et de logements qui bénéficieront aux populations locales, et de favoriser l’emploi local.

Qu’il s’agisse de sport amateur, de sport professionnel ou de sport de loisirs, les auditions ont été à l’image de la constellation des acteurs de l’économie du sport, allant du plus conventionnel au plus disruptif. Elles ont documenté les évolutions des pratiques et des nouveaux territoires du sport (futsal, breakdance, etc.), et permis d’argumenter la nécessaire adaptation à une demande évolutive en matière d’activité physique et sportive.

L’avis met en avant les externalités positives du sport pour l’inclusion sociale, la santé, le bien-être, mais il n’élude pas les problèmes liés aux impacts environnementaux : construction et fonctionnement des équipements sportifs, déplacements des personnes, substances toxiques dans les produits textiles – même si ce dernier point aurait mérité d’être mieux appréhendé.

L’avis aborde aussi les questions liées au dopage et à sa sophistication croissante, et évoque aussi certains aspects de la corruption financière en citant des cas emblématiques de surdimensionnement des installations sportives par exemple.  Une gouvernance du sport, plus conforme à l’éthique, demeure un chantier ouvert et conduit à une préconisation d’ordre institutionnel que nous soutenons : elle porte sur l’autorisation du statut de société coopérative d’intérêt collectif aux clubs professionnels. Par ailleurs, la place dans les modèles économiques du sport des 3 millions de bénévoles dont la participation est valorisée à plus de 5 milliards d’euro – très significative au regard des 12 milliards d’euro que représente le sport amateur et professionnel – et celle des associations est utilement rappelée.

Toutefois, certaines options de cet avis demeurent problématiques pour les groupes CFDT et Environnement :

En premier lieu, le soutien au développement du sport électronique (e-sport) et des paris sportifs associés. Est-il convenable pour le CESE d’inciter aux jeux de hasard dont on connait trop bien les risques et les externalités négatives, en particulier pour les personnes vulnérables (addiction, truquages, corruption, etc.), et nécessitent dans un premier temps des investissements en infrastructures informatiques à haut débit, sans doute à la charge des collectivités. Le soutien public aux sports doit selon nous reposer sur un contrat social comportant de réels bénéfices en termes de santé publique, de cohésion ou d’éducation notamment.

En deuxième lieu, dans le volet financement d’équipements dans les Quartiers prioritaires de la ville (QPV), la proposition d’instaurer un « 1% sportif » à l’image du « 1% culturel » pour toutes les opérations relevant de l’ANRU constitue un nouvel impôt qui aura du mal à mobiliser davantage les investisseurs privés. De plus, ce fonds ne concernerait que le sport alors même que les équipements culturels et de loisirs sont également en manque de ressources financières.

En troisième lieu, la question du statut du sportif de haut niveau, par analogie à celui des intermittents du spectacle, traitée tardivement dans nos travaux, aurait nécessité une étude à part dans un cadre plus large que celui de la section des Activités économiques. Elle nécessite une analyse approfondie des dispositifs actuels, de l’utilisation de leurs ressources, et de leurs capacités à répondre à leurs finalités en matière de soutien au sportif amateur et au sportif professionnel.

Enfin certains aspects auraient mérité d’être développés davantage, et devraient de notre point de vue donner lieu à des travaux futurs : sport très en vue, le football connaît de longue date des dérives en principe inacceptables qui appelleraient des actions décisives au niveau international. De même, les mobilités « actives » (vélo, marche) et leurs effets bénéfiques sur la santé ne passent pas par les fédérations sportives et sont absentes de l’avis. Elles justifient néanmoins des politiques résolues en leur faveur via les plans de déplacement urbains des collectivités. Soulignons également la nécessité d’engager une réelle réflexion sur l’impact des installations sportives en terme énergétique et sur la biodiversité rapporté au temps d’usage. De nouveaux modèles économiques sont certainement à repenser.

Par ailleurs, concernant la proposition d’installer des équipements au pied des immeubles dans les Quartiers prioritaires de la ville (QPV) pour remédier à la difficulté que rencontrent certaines femmes à se déplacer aisément, nous regrettons vivement le choix de l’expression « usages communautaristes » alors que ces difficultés trouvent leur origine dans des faits sociaux bien identifiés.

Tenant compte de l’ensemble des éléments documentés et des discussions nourries au sein de la section, et en dépit des réserves formulées, les groupes Environnement et Nature et CFDT ont voté cet avis.