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Egalité femmes-hommes : les propositions du HCE pour améliorer l’index de l’égalité professionnelle

Publié le 20/03/2024

La veille de la journée du 8 mars, le HCE a remis à Catherine Vautrin un rapport intitulé « Salaires : 5 ans après l’Index, toujours pas d’égalité ». Il comprend des propositions pour améliorer cet outil qui a été une avancée notable en faveur de l’égalité professionnelle. Mais 5 ans après son entrée en vigueur, son usage met en lumière un certain nombre de faiblesses qu’il est nécessaire de corriger ! Rapport n°2024-03-07 -EGAPRO 62, publiée le 7 mars 2024.

88 points ou index incalculable ? Ces derniers jours vous avez reçu les notes de votre entreprise à l’index de l’égalité professionnelle. En 2023, le score moyen de l’index dans les entreprises du privé était de 88 points sur 100. Si les entreprises de plus de 1000 salariés ont une meilleure note moyenne avec 90 points, la situation est bien différente dans les PME [1] puisque 41% d’entre elles déclarent leur index incalculable. Au total, seulement 26% des salariés du privé sont effectivement concernés par l’index, soit 6.6 millions de salariés.

Ces informations sont issues du rapport du HCE [2] qui commence par un diagnostic minutieux de cet outil avant d’envisager des pistes d’amélioration.

L’index de l’égalité professionnelle en bref

Crée par la loi « Avenir professionnel » en 2018 [3], il oblige les entreprises d’au moins 50 salariés à publier avant le 2 mars de chaque année la note globale de l’index, ainsi que les notes obtenues pour chaque indicateur. Il comprend 5 indicateurs pour les entreprises de plus de 250 salariés et 4 entre 50 et 250 :

  • L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes apprécié par tranche d’âge et catégorie de postes équivalents ;
  • Écart de taux d’augmentation individuel (et de promotion pour les entreprises de moins de 250 salariés) ;
  • Ecart du taux de promotion (uniquement pour les entreprises d’au moins 250 salariés) ;
  • Indicateur relatif aux augmentations de salaire à la suite d’un retour de congé maternité ;
  • Nombre de salarié du sexe sous représenté parmi les 10 salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

La note maximale est de 100 points, l’entreprise est considérée remplir ses obligations lorsqu’elle atteint au moins 75 points. C’est seulement au-dessous de cette note que l’entreprise doit définir des mesures de correction et de rattrapage financier. Si l’entreprise reste pendant 3 années consécutive au-dessous de 75 points, elle encourt une sanction pouvant aller jusqu’à 1% de sa masse salariale. Entre 75 et 84 points l’entreprise doit fixer des objectifs de progression sur chacun des indicateurs.

Bien distinguer l’index et le droit de la non-discrimination

L’index a pour vocation de rendre visible les inégalités de rémunération dans l’entreprise mais aussi d’en identifier les ressorts. Le but est d’inciter l’employeur à agir en tant que débiteur d’une obligation, qui peut sembler un peu floue, « de prendre en compte un objectif de suppression des écarts de rémunération » [4].

Les indicateurs sont multifactoriels, ils visent à expliquer les écarts de rémunération dans une perspective dynamique et pas seulement centré sur l’écart de salaire.

Si les femmes sont moins bien rémunérées que les hommes dans l’entreprise, il y a nécessairement une raison qui tient à l’absence de promotion, d’augmentation ou encore parce qu’il y a moins de femmes parmi les plus hauts salaire. Ces critères, pris isolément, ne constituent pas nécessairement une discrimination en cas de différence entre les femmes et les hommes. Par exemple, si dans une entreprise seuls les hommes ont bénéficié d’une augmentation, cela pourrait s’expliquer par le fait que l’entreprise, en raison de ses bons résultats, a souhaité récompenser les commerciaux qui sont…tous des hommes ! Ce n’est pas interdit en soi par le droit, mais de telles pratiques interrogent notamment sur la mixité des métiers au sein de l’entreprise.

Sans être un outil miracle, l’index a donc cette vertu de mettre en lumière ces problématiques et de permettre aux salariés où à leurs représentants d’aborder le sujet. En effet, le droit à une égale rémunération entre les femmes et les hommes, inscrit de longue date dans le Code du travail [5], ne permet lui d’agir que quand l’inégalité salariale est constatée [6].

Il est donc impératif de ne pas confondre l’index avec le droit de la non-discrimination.

Il s'agit de deux logiques différentes. Ce n’est pas parce que l’entreprise à une très bonne note à l’index qu'elle ne peut pas être condamnée pour discrimination entre les femmes et les hommes [7].

Les pistes d’évolution de l’indicateur sur l’écart de rémunération

Le rapport du HCE contient des propositions d’amélioration de l’ensemble des indicateurs mais nous aborderons ici uniquement celles visant à améliorer celui sur l’écart de rémunération. Il s’agit de l’indicateur le plus important qui représente 40 points du total de l’index noté sur 100.

Le HCE s’appuie tout d’abord sur les apports de la directive du 10 mai 2023 [8] sur la transparence des rémunérations pour faire des propositions dites convergentes [9] :

  • La publication dans l’index de données beaucoup plus précises sur les écarts, notamment l’écart de rémunération médian entre les femmes et les hommes ou encore la proportion de femmes et d’hommes dans chaque quartile de rémunération (proposition 1.2).
  • L’intégration de tous les éléments de rémunération variables dont les heures supplémentaires et la prime de participation dans la mesure des écarts (proposition 1.3).
  • D’appliquer une méthodologie tenant compte des emplois de valeur égale (proposition 1.4).

Le HCE liste également des propositions dites majoritaires [10] de nature à considérablement améliorer cet  indicateur [11] :

  • Supprimer les règles d’exclusions d’effectifs du calcul de l’index. Cette proposition vise à élargir le nombre de salariés couvert par l’index en rendant plus difficile pour une entreprise de le déclarer incalculable. Or c’est pour l’indicateur 1 que ces règles sont très strictes afin d’avoir des groupes de comparaison [12].
  • Supprimer les 5% de réduction de l’écart de rémunération. Lorsque l’entreprise a calculé l’écart de rémunération en réunissant les salariés par CSP, elle doit retrancher 5 point de % pour avoir le résultat définitif qui servira à l’attribution des points. Cette règle très particulière a une conséquence très concrète : une entreprise peut avoir la note de 75 points tout en ayant un écart de rémunération réel de 20% ! Or c’est le seuil de 75 points qui déclenche l’obligation de négocier des mesures de correction et le cas échéant des mesures de rattrapage salarial.

Quelles seront les suites du rapport ?

Le rapport du HCE était attendu car à l’automne dernier la Première ministre avait pris l’engagement de réviser l’index pour une mise en œuvre en 2025. Les concertations avec le gouvernement pour faire évoluer l’index vont commencer seulement cette semaine. Ce rapport est donc précieux pour que l’index remplisse mieux sa mission d’identifier et de corriger les inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes. Il pose des premières pierres intéressantes mais il sera nécessaire d’aller au-delà des seuls pistes d’évolution convergentes pour une refonte ambitieuse. Réponse dans le projet de loi qui devrait être déposé avant l’été  !   

 

 

[1] Entreprises entre 50 et 250 salariés.

[2] Le Haut conseil à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est une instance consultative indépendante. Il a pour mission a pour mission « d’assurer la concertation avec la société civile et d’animer le débat public sur les grandes orientations de la politique des droits des femmes et de l’égalité ». Les organisations syndicales et patronales, ainsi que des personnalités qualifiés, sont membres de l’assemblée égalité professionnelle. A ce titre la CFDT a contribué au rapport et a voté en faveur de son adoption.

[3] Loi n° 2018-771 du 5.09.18 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».

[4] Art. L. 1142-7 C.trav.

[5] Cf. Art. L. 3221-2 C.trav. issu de la loi n°72-1143 du 22 décembre 1972.

[6] Avec toutes les difficultés que cela implique quand le contrat est toujours en cours d’exécution et pour accéder aux éléments de preuves.

[7] Le rapport cite l’exemple d’IBM condamnée en 2023 par un conseil de prud'hommes pour discrimination en matière de salaire à l’encontre de femmes (cf. page 85).  

[8]  Directive (UE) n°2023/970 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit.

[9] Ce sont les propositions qui ont fait consensus entre les membres du HCE.

[10] Il s’agit des propositions ayant reçu l’assentiment d’une majorité seulement de membres, en l’occurrence pour celles qui suivent les organisations patronales y étaient opposées.

[11] Cf. page 100 du rapport.

[12] Seuls les groupes comprenant au moins 3 femmes et au moins 3 hommes sont pris en compte pour le calcul de l’indicateur. Cf. simulateur du ministère du travail.