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Période d’essai : l’appréciation du caractère raisonnable de la durée est précisée

Publié le 22/09/2021

Par principe, la durée de la période d’essai est fixée par le Code du travail. Par exception, un accord de branche peut prévoir une durée supérieure. Mais faut-il encore que celle-ci soit jugée raisonnable !

En cas de litige, le juge doit alors vérifier que les fonctions exercées par le salarié justifient l’allongement de la durée de la période d’essai. Le juge ne peut se contenter d’une affirmation générale pour déterminer le caractère déraisonnable de la durée de la période d’essai. C’est ce que précise la Cour de cassation dans un arrêt publié. Cass.soc.07.07.21, n°19-22.922.

Cette notion de durée raisonnable, de par son enjeu et son absence de définition, est de nature à susciter des contentieux... En effet, si cette durée est jugée déraisonnable, la rupture de la période d’essai peut être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur est alors condamné à payer diverses sommes au salarié. 

Rappel des règles concernant la durée de la période d’essai

L’article L.1221-19 du Code du travail fixe la durée de la période d’essai en fonction des catégories professionnelles. En outre, l’article L.1221-22 dudit Code prévoit que des durées plus longues peuvent s’appliquer si un accord de branche le prévoit et qu’il a été conclu avant la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008.

Attention, ces délais doivent être "raisonnables" au regard de la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), à défaut, ils ne peuvent pas être applicables. Cette convention, relative à la protection du salarié contre le licenciement, admet dans son article 2 que les États puissent exclure du champ d’application de la convention les travailleurs effectuant une période d’essai (ou n’ayant pas la période d’ancienneté requise), à la double condition que sa durée soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable.

Une période d’essai fixée à 6 mois

Dans cette affaire, le contrat de travail d’un salarié, conseiller commercial auxiliaire, fixe la période d’essai à 6 mois sans qu’il soit possible de la renouveler et ce, en application de la convention collective en vigueur dans l’entreprise. Le salarié n’ayant pas donné satisfaction, l’employeur décide de mettre fin à sa période d’essai. Le salarié saisit alors la juridiction prud’homale, jugeant le délai déraisonnable.

La question qui se pose aux juges est la suivante :

Une période d’essai de 6 mois est-elle toujours déraisonnable ?

Pour la cour d’appel, nul doute : une période d’essai de 6 mois est excessive !

La cour d’appel donne raison au salarié en analysant la rupture de la période d’essai comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle retient qu’est déraisonnable «au visa de la convention n° 158 de l’OIT et au regard de la finalité de la période d’essai qui doit permettre au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent et de l’exclusion des règles de licenciement durant cette période, une période d’essai dont la durée est de six mois ».

L’employeur est condamné à verser au salarié des indemnités pour licenciement irrégulier et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour la Cour de cassation, la catégorie d’emploi occupée par le salarié peut justifier cette durée

La Cour de cassation censure les juges du fond au visa de l’article 2 de la convention n°158 de l’OIT. Selon elle, la cour d’appel n’aurait pas dû se contenter « d’une affirmation générale » pour dire que le délai était déraisonnable. Elle aurait dû rechercher « au regard de la catégorie d’emploi occupée, si la durée totale de la période d’essai prévue au contrat de travail n’était pas raisonnable ».

Pour l’employeur, la durée de la période d’essai doit présenter un caractère raisonnable au regard de l’article 2 de la convention n°158 de l’OIT. Et c’est en s’appuyant sur la définition de la période d’essai (1) qu’il soutient que le caractère raisonnable s’apprécie « compte tenu de la finalité de la période d’essai pour permettre à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans les conditions normales d’exécution de son travail, au regard de la nature des fonctions et des missions confiées au salarié et de la durée nécessaire pour s’assurer que ce dernier a bien toutes les qualités nécessaires pour les assumer ». Il précise que « la fonction du salarié impliquait un contact direct avec la clientèle et la mission de faire souscrire à cette dernière des contrats d'assurance dont les modalités pouvaient avoir des conséquences patrimoniales importantes ». Et que « le salarié devait répondre à un devoir de conseil, étant susceptible d'engager la responsabilité civile et pénale de l'employeur ».

Autrement dit, selon lui cette durée était nécessaire - et non déraisonnable « au regard des contraintes juridiques intrinsèques au secteur de l’assurance pour appréhender le sérieux et les compétences de salariés conduits à représenter la société d'assurance auprès de sa clientèle dans le cadre d'une activité soumise à des risques juridiques importants ».

La Cour de cassation ne jugeant pas sur le fond, elle renvoie l’affaire devant une nouvelle cour d’appel, qui devra trancher le litige.

Une appréciation in concreto de la durée de la période d’essai

La Cour de cassation confirme ici que l’analyse par les juges du fond du caractère raisonnable de la durée de la période d’essai doit se faire manière concrète. La Haute Cour a déjà évalué le caractère raisonnable de cette durée en fonction d’une part, « de la finalité de la période d’essai »(2), et d’autre part, « de la nature des fonctions et des responsabilités confiées au salarié »(3).

Une période d’essai de 9 mois pour un directeur d’agence a été jugée valide (4). A l’inverse, une durée de 6 mois prévue pour une assistante commerciale ayant pour fonctions d’accueillir et d’orienter la clientèle a été jugée excessive (5).

 

 

(1) Art. L.1221-20 C.trav.

(2) Cass.soc.10.05.12, n°10-28.512.

(3) Cass.soc.12.11.20, n°18-24.111.

(4) Cass.soc.12.11.20, n°18-24.111.

(5) Cass.soc.10.05.12, n°10-28.512.

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