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Période d’essai : sans contrat signé, elle n'existe pas !

Publié le 15/12/2020

Pour rompre une période d’essai, encore faut-il qu’elle existe ! Ce qui n’est pas le cas lorsque le contrat de travail n’a pas été signé et encore moins s'il a été remis après le début d’exécution du contrat de travail. C’est cette règle, protectrice des salariés, que la Cour de cassation a récemment rappelée. Cass.soc.21.10.20, n°19-17219.

  • Les faits

Le mardi 4 janvier 2016, la salariée est embauchée en qualité d’ingénieure commerciale.  Le samedi suivant (le 8 janvier), l’employeur lui adresse un premier contrat de travail comportant une période d’essai de 3 mois. Il se trouve que la salariée demande à l’employeur de procéder à certaines modifications, dont celui-ci tient compte en lui envoyant un nouveau contrat, le 19 février. Mais voilà : le 29 février, la salariée est placée en arrêt de travail et ce, jusqu’au 21 mars 2016. Or, à son retour, elle a la surprise de recevoir un courrier dans lequel l’employeur lui notifie la rupture de sa période d’essai. Ce courrier date du 24 mars pour une rupture prenant effet au 11 avril 2016.

  • La procédure entamée

La salariée saisit alors le conseil de prud’hommes. L’objet de sa contestation ne porte pas tant sur la rupture de sa période d’essai, que sur son existence même ! En effet, il se trouve que, du fait de son arrêt maladie, elle n’a finalement jamais signé le contrat de travail transmis par l'employeur. Selon elle, à partir de là, et dans la mesure où son contrat a déjà commencé à être exécuté, aucune période d’essai ne peut plus lui être imposée. Elle demande alors des indemnités au titre de la rupture sans cause réelle et sérieuse de son contrat de travail.

Une salariée déboutée par les juges du fond… Pourtant, la cour d’appel va avoir le raisonnement inverse : elle reconnaît que le contrat de travail n’a pas été signé, mais elle considère qu’à partir du moment où aucune des parties ne conteste que le contrat de travail a bien été transmis à la salariée, que celle-ci a demandé à procéder à certaines modifications et qu’elle a donc bien eu connaissance de la date de la période d’essai de 3 mois, celle-ci lui est bien opposable. La salariée se pourvoit en cassation.

La période d’essai prévue dans un contrat de travail non signé est-elle valable ?

  • La période d’essai doit être expressément stipulée au contrat de travail...

La salariée aurait eu tort de ne pas contester, car le Code du travail est en effet très clair sur ce point : « La période d’essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail » (1). La période d’essai doit non seulement être expresse, mais elle doit aussi résulter d’une manifestation de volonté non équivoque du salarié.

Et ce principe ne souffre d’aucune exception : la période d’essai prévue dans un contrat verbal n’est pas valable, pas plus que celle prévue uniquement dans la convention collective applicable (2). Pour être opposables au salarié, la période d’essai et son éventuel renouvellement (3) doivent donc être stipulés noir sur blanc au contrat de travail ou la lettre d’engagement et ses actes doivent avoir été signés par les parties.

  • … et prévue dès l’embauche !

La jurisprudence va plus loin, puisqu’elle considère que la période d’essai doit être fixée dans son principe et dans sa durée dès l’engagement du salarié (c’est-à-dire avant même le commencement d’exécution du contrat). Faute de quoi, il peut considérer que son embauche est définitive dès son 1er jour de travail (4), la période d’essai lui étant inopposable. Autrement dit, pour être valables, la période d’essai et son éventuel renouvellement doivent être prévus dans un contrat remis au salarié au plus tard le 1er jour de travail effectif. Il n’est donc pas possible de valider une période d’essai a posteriori en lui remettant son contrat alors qu’il a déjà commencé à travailler.

Dans notre affaire la salariée avait donc toutes les raisons de contester l’existence de sa période d’essai.

- D’une part, le contrat de travail comportant la période d’essai n’ayant pas été signée par la salariée, son accord exprès ne pouvait pas être caractérisé.

- Ensuite, son contrat ne lui avait été remis que 4 jours après son embauche effective. Au moment où elle commençait à travailler, la salariée n’avait donc pas connaissance de l’existence de cette période d’essai. Il est par conséquent impossible, pour l’employeur, de venir lui imposer cet essai après le début d’exécution du contrat de travail.

  • La rupture de la période d'essai doit être liée aux compétences professionnelles du salarié

Enfin, en admettant, dans notre cas, que cette période d’essai ait été valable, on pourrait alors s'interroger sur les circonstances pour le moins « douteuses » entourant sa rupture. L’employeur a-t-il réellement eu le temps d’apprécier la véritable valeur professionnelle de la salariée compte tenu de son arrêt maladie et de la rupture brutale des relations contractuelles qui lui a fait suite ?

Il ne faut pas oublier que la finalité d’une période d’essai est, pour l’employeur, d’apprécier les compétences et capacités professionnelles d’un salarié à occuper les fonctions proposées (5). C’est pourquoi, même si la rupture d’une période d’essai est libre, dans le sens où l’employeur n’a pas à la justifier, elle ne peut reposer que sur cette appréciation (ou bien sur une faute du salarié).

 

La crise sanitaire ne constitue pas un motif légitime de rupture de la période d’essai ! Parce qu’elle est étrangère aux capacités du salarié, la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 ne constitue pas un motif valable pour rompre une période d’essai.
L’employeur qui se hasarderait à une telle mesure, risquerait ni plus ni moins d’être condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

 

 

 

(1) Art. L.1221-23 C.trav.

(2) Cass.soc.18.07.01, n°99-44729.

(3) Pour être valable, la possibilité de renouveler la période d'essai doit en plus être prévue par un accord de  branche étendu (L.1221-1 C.trav.)

(4) Cass.soc.19.02.97, n°93-44053 ; Cass.soc.5.07.05, n°03-46475.

(5) Art L.1221-20 C.trav.