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Licenciement : l’employeur n’a pas à informer le salarié qu’il peut demander des précisions sur les motifs

Publié le 12/07/2022

Les ordonnances Travail de 2017 ont bouleversé les règles relatives au licenciement, et plus spécifiquement, à sa motivation. L’employeur peut désormais préciser les motifs contenus dans la lettre de licenciement après sa notification. Dans un arrêt récent, la Cour de cassation nous en dit plus sur cette procédure. Elle juge qu'aucune disposition n'impose à l'employeur d'informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés. Pourtant, l’absence de demande de la part du salarié n’est pas sans conséquence… Cass. soc. 29.06.2022, n° 20-22.220.

Les faits : un licenciement pour faute grave

Dans cette affaire, une salariée a été licenciée pour faute grave après 34 ans d’activité dans l’entreprise. Dans la lettre de licenciement, l’employeur lui reprochait des faits de harcèlement moral envers 4 de ses collègues sans préciser le nom des salariés concernés, la date ou la durée de ces faits. La lettre faisait également référence à une enquête interne à laquelle la salariée n'avait pas participé.

En revanche, l’employeur ne mentionnait pas dans ce document la possibilité pour la salariée de demander des précisions sur les motifs de licenciement. La salariée n’a en conséquence pas fait valoir ce droit.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent être précisés par l’employeur, soit à son initiative, soit à la demande du salarié, dans un délai de 15 jours suivant la notification de la lettre. L'employeur dispose d'un délai de 15 jours après la réception de la demande du salarié pour apporter des précisions, mais il n’est pas tenu de le faire(1), ni même d’informer le salarié de son refus de préciser les motifs invoqués dans la lettre de licenciement(2).

L’objet du litige : une lettre de licenciement suffisamment précise ?

La salariée a saisi le conseil de prud’hommes en nullité de son licenciement et en contestation de son bien-fondé. La Cour d’appel l’a déboutée de ses demandes. En effet, elle a constaté que la lettre de licenciement faisait état de comportements et de propos déplacés de la salariée à l’égard de 4 collaborateurs de nature à mettre en péril leur santé psychique et à dégrader leurs conditions de travail. Selon elle, ce motif de licenciement était suffisamment précis et matériellement vérifiable, et répondait ainsi à l’exigence l’égale de motivation.

La salariée a alors formé un pourvoi en cassation. Elle reprochait aux juges du fond d’avoir jugé la lettre de licenciement « précisément motivée » quand elle ne comportait, ni le nom des salariés lui imputant des faits de harcèlement moral, ni la date, ni durée de ces prétendus agissements. De plus, selon elle, l’employeur aurait dû l’informer de la possibilité d’obtenir précisions sur les motifs de son licenciement.

Jusqu’aux ordonnances Travail, la jurisprudence estimait qu'une absence de motif précis dans la lettre de licenciement équivalait à une absence de motif. Désormais, si le salarié licencié n'a pas demandé à l'employeur de préciser les motifs invoqués dans la lettre de licenciement, l’insuffisance de motivation ne prive plus le licenciement de cause réelle et sérieuse mais est considérée comme une irrégularité ouvrant droit à une indemnité ne pouvant excéder un mois de salaire(3).

L’employeur n’est pas tenu d’informer le salarié

La chambre sociale rejette le pourvoi. Après avoir rappelé la procédure telle que prévue par le Code du travail, elle retient qu'« aucune disposition n’impose à l’employeur d’informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés ».

Par conséquent, en l’espèce, la salariée n’ayant pas fait jouer son « droit » de demander des précisions, elle ne pouvait arguer d’une insuffisance des motifs de son licenciement.

Avec cette décision, la Cour de cassation vient corroborer la position du Gouvernement énoncée dans un « questions-réponses » publié sur son site internet(4). L’instrument de « droit souple » a-t-il influencé la solution des juge ?

Il est vrai que la rédaction des dispositions légales et règlementaires ne donnait pas d’accroche aux juges pour une interprétation plus favorable aux salariés. Mais ils auraient pu s’appuyer sur les modèles-types de lettres de licenciement qui, même s’ils sont facultatifs, comportent cette information.

Pour notre part, nous regrettons une position qui amplifie le caractère déséquilibré des dispositions introduites par les ordonnances. En effet, l’absence de demande de précision par le salarié le prive de la possibilité de voir reconnaitre son licenciement injustifié quand bien même sa lettre de licenciement serait insuffisamment motivée. Mais comment pourrait-il connaître cette subtilité du droit et cette possiblité qui lui est offerte de demander la précision des motifis s'il n'est pas fait obligation à l'employeur dans l'en informer à travers la lettre de licenciement ? Cette règle profite déjà largement à l’employeur et il est particulièrement regrettable que le salarié n’ait pas le « droit » d’en être informé. 

 


(1) Art. L.1235-2 et R.1232-13 C.trav.

(2) « Questions-réponses » du Ministère du Travail sur la rupture du contrat de travail (question n° 6).

(3) Art. L.1235-2 C.trav.

(4) « Questions-réponses » du Ministère du Travail sur la rupture du contrat de travail (question n° 3).