Retour

La rupture conventionnelle individuelle

Publié le 18/09/2020

Distincte de la démission et du licenciement, la rupture conventionnelle individuelle permet à l’employeur et au salarié de rompre d’un commun accord le contrat de travail à durée indéterminée. 

Conditions de la rupture conventionnelle

En dehors du licenciement et de la démission, la loi prévoit une autre voie pour rompre le contrat de travail, celle de la rupture conventionnelle.

La rupture conventionnelle doit intervenir de commun accord entre les parties. Elle est donc négociée entre le salarié et l’employeur et ne peut être imposée par l’un ou par l’autre.

Une rupture amiable du contrat de travail imposée par l'employeur en dehors de tout cadre légal de la rupture conventionnelle doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La rupture conventionnelle ne concerne que les contrats de travail à durée indéterminée (CDI).

Elle peut être conclue avec un avocat salarié, un médecin du travail, un ancien salarié protégé (sous réserve de respecter une procédure particulière) ou avec un salarié dont le contrat de travail est suspendu lorsque la suspension du contrat ne bénéficie d'aucune protection particulière (arrêt de travail pour maladie professionnelle, accident du travail, congé de maternité, inaptitude). 

Cependant, la Cour de cassation admet qu’une rupture conventionnelle soit valablement conclue pendant un arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail, ou pour congé maternité dès lors que la procédure avait été respectée et qu'il n'y avait ni fraude, ni vice du consentement (pressions exercées sur le salarié par exemple).

 

La validité de la rupture conventionnelle

  • La rupture conventionnelle et le licenciement économique

La rupture conventionnelle est exclue du champ du licenciement économique, toutefois, en théorie, elle peut coexister avec la procédure du licenciement économique, par exemple, durant la mise en œuvre d’un PSE. La rupture conventionnelle ne peut pas conduire à un détournement de la procédure du licenciement économique. Dans ce cas, l’administration refusera l’homologation.

Le recours à la rupture conventionnelle dans un contexte de difficultés économiques de l’entreprise peut être pris en compte pour déterminer la procédure d’information et de consultation du CSE en matière de PSE. Pour que ces ruptures soient comptabilisées dans le cadre de l’obligation de mise en œuvre d’un PSE, il faut qu’elles soient homologuées par l’administration.

 

  • La nullité de la rupture en présence d’un vice du consentement

L’existence d’un différend entre l’employeur et le salarié au moment de la conclusion de la rupture conventionnelle n’affecte pas, en principe, la validité de la convention de rupture.

Toutefois, l'employeur ne peut pas indirectement contraindre le salarié à signer une rupture conventionnelle. Lorsqu’il est constaté que le salarié a subi des pressions pour signer la convention de rupture, le vice du consentement doit être reconnu. De même, si les facultés mentales du salarié se trouvaient altérées au moment de la signature de la convention de rupture, son consentement n’étair pas libre et éclairé.

Par ailleurs, la seule existence de faits de harcèlement ne rend pas nulle la rupture conventionnelle. Il revient au salarié de prouver que ce harcèlement a vicié son consentement. 

La procédure et le contenu de la rupture conventionnelle

La rupture conventionnelle fait l’objet d’une procédure précise afin de protéger les droits des parties et garantir leur libre consentement, notamment celui du salarié. En principe, elle se déroule en trois moments :

- L’accord préalable par la signature de la convention ;

- L’homologation de l’accord par l’autorité administrative (DREETS) ;

- L’indemnisation du salarié.

  • L'entretien et la signature de l’accord de rupture

L’employeur et le salarié négocient les conditions de la rupture, pouvant conclure un accord préalable avant la signature de la convention de rupture. Ainsi, dans un premier moment, la rupture conventionnelle est subordonnée à un ou plusieurs entretiens, les parties pouvant se faire assister. L’employeur n’est pas tenu de convoquer le salarié par courrier, il peut lui communiquer verbalement.

L’absence d’entretien rend nulle la convention de rupture.

Lors de cet entretien, le salarié peut être assisté ou non par :

- Un membre du CSE ou le DS ;

- Un autre salarié de l’entreprise, librement choisi ;

- Un conseiller du salarié choisi sur une liste disponible en mairie s’il n’existe pas de salarié membre d’une institution représentative du personnel (IRP) dans son entreprise.

La rupture conventionnelle fait l’objet d’un accord signé par les parties au contrat. Cet accord précise les modalités de la rupture du CDI qui auront été négociées lors d’entretiens entre le salarié et son employeur. Il convient d’établir un exemplaire pour chaque partie.

 

  • La demande d’homologation

L'homologation de la rupture conventionnelle est subordonnée à l'envoi du formulaire de demande d'homologation. En cas de formalisation de cette modalité de rupture sans utilisation du formulaire type de demande d'homologation, l'administration refusera d'homologuer la convention.

Les modèles officiels peuvent être téléchargés sur le site : https://travail-emploi.gouv.fr/demarches-ressources-documentaires/formulaires-et-teledeclarations/salaries/

Le formulaire de demande d’homologation contient des informations relatives aux parties, ainsi que celles concernant le déroulement des échanges pour convenir l’accord de rupture et finalement la convention de rupture.

 

  • Le contenu de la convention

La convention de rupture définit notamment :

- Le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (qui ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement ou conventionnelle si elle est plus avantageuse pour le salarié) ;

- La date de la rupture du contrat (qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation)

- La rétraction.

 

Le droit de rétractation

Le salarié, comme l’employeur, dispose d’un délai de rétractation fixé à 15 jours calendaires à compter du jour de la signature de l’accord. Ce délai se déroule à partir du lendemain de la signature de la convention de rupture.

Si le salarié souhaite revenir sur sa décision, il doit le notifier à l’employeur par lettre recommandée avec accusé de réception. C’est la date d’envoi de ce courrier qu’il faut retenir pour s’assurer du respect du délai de rétractation. Le salarié n’est pas tenu de motiver cette décision.

En cas de rétractation par l’une ou l’autre des parties, la convention est annulée et le contrat de travail continue de s’exécuter normalement.

L'employeur qui antidate la convention de rupture conventionnelle s'expose à l'annulation de la rupture conventionnelle, qui sera requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

 L’homologation de la rupture conventionnelle

A l’expiration du délai de rétractation, l’accord de rupture conventionnelle doit être adressé à l’autorité administrative (DREETS) par le salarié ou l’employeur.

L’autorité administrative vérifie que l’accord respecte le cadre législatif, le respect de la procédure et la liberté du consentement des parties. Elle dispose de 15 jours ouvrables (on décompte tous les jours sauf les dimanches et les jours fériés) à compter de la réception de la demande d’homologation pour valider ou non l’accord.

Il y a homologation tacite dès lors qu'aucune réponse de l'administration n'est parvenue aux parties avant l'échéance du délai d'instruction.  Ainsi, à défaut de réponse dans le délai, l’homologation est acquise.

En revanche, si elle refuse l’homologation dans ce délai, la convention est nulle, le contrat se poursuit.

Le contrat peut être rompu au plus tôt le lendemain du jour de la notification de l'acceptation de la demande d'homologation ou après que le délai d'instruction s'est écoulé si l'acceptation est tacite.

 

Les indemnités de rupture conventionnelle

Elle est librement négociée entre le salarié et l’employeur. Elle ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement ou à l’indemnité conventionnelle si elle est plus élevée. Le calcul se fait, comme pour une indemnité de licenciement, sur un salaire de référence calculé selon les salaires des 3 ou 12 derniers mois, on choisit la formule la plus intéressante pour le salarié.

Les salariés dont le contrat de travail aura été rompu par une rupture conventionnelle peuvent prétendre aux allocations d’assurance chômage dans les conditions de droit commun.

 

Cas des salariés protégés

En ce qui concerne les salariés protégés (les membres du CSE, les délégués syndicaux, les représentants de proximité etc.), il est possible de signer une rupture conventionnelle mais sa validité est subordonnée à l’autorisation de l’inspection du travail. 

La demande d’autorisation ne sera transmise à l’inspection du travail qu’à l’issue du délai de 15 jours de rétractation. La rupture du contrat ne pourra intervenir au plus tôt que le lendemain du jour de cette autorisation.

En cas de recours contre la décision de l’inspecteur du travail c’est le droit commun qui s’applique : recours gracieux ou hiérarchique, recours contentieux devant le juge administratif (et non le conseil de prud’hommes).

 

Les litiges concernant la rupture conventionnelle

Tout litige en matière de rupture conventionnelle relève, en principe, de la compétence le conseil des prud’hommes.  Le délai pour agir, notamment en cas de contestation de la décision de la Dreets ou d’action en paiement de l’indemnité, est de 12 mois à compter de la date d'homologation de la convention.

 

 

 Pour aller plus loin :

Art. L. 1237-11 du Code du travail : rupture conventionnelle
Art. L. 1237-12 du Code du travail: entretien préalable
Art. L. 1237-14 du Code du travail : homologation par l’administration
Art. L. 1237-15 du Code du travail : salariés protégés
Art. L. 1237-16 du Code du travail : cas de ruptures de contrat exclus de la rupture conventionnelle
Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28.767
Cass. soc., 29 oct. 2013, n° 12-27.393
Cass. soc., 15 janv. 2014, n° 12-23.942
Cass. soc., 16 mai 2018, n° 16-25.852
Cass. soc., 29 janv. 2020, n° 18-24.296