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Convention de forfait jours : son dépassement doit être payé malgré l’absence d’accord écrit !

Publié le 07/09/2022

En l’absence d’accord écrit des parties, le juge fixe lui-même la majoration due au salarié en raison du dépassement de la limite annuelle fixée par la convention de forfait jours. Majoration fixée dans le respect du minimum de 10 %. Le fait que le salarié continue à travailler sans que l’employeur n’y trouve rien à redire constitue un accord implicite, selon la Cour. C’est ce que décide la chambre sociale dans un arrêt du 6 juillet 2022.

Cass.soc. 06.07.2022, n° 20-15.656.

Dans cette affaire, le salarié, conseiller financier d’une banque, est soumis à une convention de forfait en jours

Il doit donc travailler 209 jours dans l’année. Cependant, il dépasse ce nombre durant l’année 2013. Il saisit alors le Conseil de prud’hommes de diverses demandes, dont un rappel de salaire en raison du dépassement de la durée de travail prévue dans sa convention de forfait.

La cour d’appel lui donne raison et condamne l’employeur à lui verser une somme au titre de ce dépassement ainsi qu’une seconde somme pour les congés payés y afférant. L’employeur se pourvoit alors en cassation.

Le forfait jours est un mode d’organisation du temps de travail où la durée du travail est décomptée en jours sur l’année, et non pas en heures. Il n’y a donc pas de référence à des horaires de travail. Il est destiné aux salariés disposant d’une certaine autonomie.

Le nombre maximal de jours travaillés dans l’année peut être fixé par l’accord collectif mettant en place le forfait en jours. A défaut de dispositions conventionnelles, il est de 235 jours (L. 3121-64 et L. 3121-66 C. trav.).

Le forfait jours nécessite la mise en place d’un accord collectif d’entreprise ou d’établissement. Ou à défaut, une convention ou un accord de branche (L. 3121-63 C. trav.).

L’accord du salarié est indispensable. Une convention individuelle de forfait par écrit doit être signée par les parties (L. 3121-55 C. trav.). Cela peut prendre la forme d’un avenant au contrat de travail.

 

Le renoncement à des jours de repos est possible !

La Cour de cassation se fonde sur l’article L. 3121-45 du Code du travail pour rendre sa décision, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 applicable au moment des faits (aujourd’hui article L. 3121-59 C.trav.).

L’article prévoit que « Le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. L'accord entre le salarié et l'employeur est établi par écrit. »

Il prévoit également que « Un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur détermine le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans qu'il puisse être inférieur à 10 % ».

L’employeur reprochait à la cour d’appel sa condamnation alors que lui et le salarié n’avaient conclu aucun accord relatif au dépassement de la durée maximale de travail. Selon lui, la cour violait l’article L. 3121-45 du Code du travail imposant un accord écrit.

Mais la Cour de cassation a rejeté cette argumentation. Elle relève que malgré l’absence d’accord écrit relatif à la renonciation des jours de repos, le salarié a quand même continué à travailler au-delà de la durée maximale sans que l’employeur cherche à éviter la surcharge de travail.

De ce fait, elle a considéré qu’un accord implicite existait bien entre l’employeur et le salarié.

 

Le juge peut fixer la majoration en l’absence d’accord écrit

La Cour de cassation retient que : « En l'absence de conclusion d'un tel accord, le juge fixe, dans le respect du minimum de 10 %, le montant de la majoration applicable à la rémunération due en contrepartie du temps de travail excédant le forfait convenu. ».

Elle approuve donc la cour d’appel, qui a souverainement fixé le montant des salaires dus au salarié.

Elle précise également que la cour d’appel a justement alloué des congés payés en raison des jours de travail pris en dépassement du forfait jours.

La chambre sociale rend ici une solution satisfaisante pour le salarié, qui se voit logiquement garantir le paiement de son salaire et des congés afférents au dépassement de son forfait jours. En l'absence d'accord écrit, la chambre sociale renvoie au juge la mission de fixer le montant du salaire que le salarié percevra.

Cette solution n’est pas nouvelle et existait déjà, notamment dans un arrêt de janvier 2022(1).

 

 

 

 

 

(1) Cass.soc. 26.01.2022, n°20-13.266.

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