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Maladie : quand la convention collective limite le pouvoir de licencier de l’employeur

Publié le 07/05/2019

Les partenaires sociaux peuvent renforcer par accord collectif la protection contre le licenciement d’un salarié malade. Dans ces conditions, un accord de branche qui aligne les règles du licenciement du salarié en arrêt maladie non professionnelle sur celles du licenciement du salarié en arrêt maladie professionnelle empêche l’employeur de licencier le salarié pour insuffisance professionnelle. Cass.soc. 27.03.2019, n° 17-27.047.

  • Faits et procédure

Dans cette affaire, l’entreprise dépend de la convention collective nationale des services de l’automobile. Cette convention de branche cale les conditions du licenciement du salarié en arrêt maladie professionnelle sur celles du salarié en arrêt maladie professionnelle.

Ces conditions (de licenciement d'un salarié en arrêt maladie professionnelle) sont prévues par la loi : pendant la période de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre le contrat que s'il justifie soit d'une faute grave du salarié, « soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie ».(1) 
La jurisprudence est venue éclairer cette notion d’impossibilité de maintenir le contrat. Selon elle, en dehors de la faute grave, seules des « circonstances indépendantes du comportement du salarié » peuvent justifier de l’impossibilité de maintenir de contrat de travail.(2)
A noter que ces règles de licenciement ne sont pas applicables au salarié en maladie non professionnelle en vertu de la loi.

Un salarié de l’entreprise, directeur administratif et financier, est placé en arrêt de travail pour maladie non professionnelle. Quelques mois plus tard, l’employeur lui notifie son licenciement pour insuffisance professionnelle. Le salarié conteste alors son licenciement.

  • L’employeur ne pouvait licencier le salarié pour insuffisance professionnelle

Les juges du fond donnent raison au salarié et jugent le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Selon la cour d’appel, l’impossibilité de maintenir le contrat de travail du salarié ne pouvait en aucun cas être liée à son « comportement professionnel ». Aussi, l’employeur ne pouvait licencier le salarié en raison d’une insuffisance professionnelle.

L’employeur se pourvoit en cassation. Selon lui, l’insuffisance professionnelle du salarié était clairement établie, était « totalement indépendante de son état de santé et […] avait des conséquences graves sur le fonctionnement de l’entreprise en raison de la nature des fonctions et des responsabilités » qui lui étaient confiées. A ce titre, elle constituait un motif de nature à rendre impossible le maintien du contrat de travail du salarié. 

  • La portée de la convention collective dans l’appréciation des juges

La chambre sociale rejette l’argumentation de l’employeur. Elle considère que les partenaires sociaux ayant aligné les conditions de licenciement du salarié en maladie non professionnelle sur celles du salarié en maladie professionnelle, « l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à l’accident ou à la maladie ne pouvait résulter que de circonstances indépendantes du comportement du salarié de sorte que l’employeur ne pouvait pendant cette période de suspension procéder au licenciement du salarié pour insuffisance professionnelle ».

Ce faisant, la Cour rappelle son interprétation relative à la notion d’impossibilité de maintenir le contrat de travail prévue à l’article L.1226-9 du Code du travail.

Cette décision nous parait particulièrement intéressante dans la mesure où elle est une illustration du pouvoir qu’ont les partenaires sociaux, de branche ou d’entreprise, de renforcer la protection accordée aux salariés malades. Et les juges de la Haute juridiction donnent à ces dispositions conventionnelles toute leur portée. En présence de telles clauses, la possibilité pour l'employeur de rompre le contrat en cours suspension pour maladie non professionnelle est considérablement limitée.


(1) Art. L.1226-9 C.trav.

(2) Cass.soc., 25 oct. 1990, n°87-44.080