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Représentativité : de l’importance de faire approuver ses comptes !

Publié le 09/07/2019

Pour pouvoir exercer des prérogatives au sein d’une entreprise, un syndicat, représentatif ou non, doit pouvoir justifier d’une transparence financière. Pour ce faire, le Code du travail lui impose certaines obligations comptables : il doit tenir ses comptes, les certifier et les publier.

Qu’en est-il alors de comptes qui, bien que publiés, n’ont fait l’objet d’aucune approbation par l’organe statutairement compétent ? Pour la Cour de cassation, en l’absence d’approbation, le critère de transparence financière n’est pas satisfait. Cass.soc.13.06.19, n°18-24814.

En réalité, ce n’est pas une, mais trois affaires qui ont été portées devant la Cour de cassation ce 13 juin 2019 ! Pour chacune d’elles, le fond de l’affaire est le même : le syndicat RS-RATP a présenté des listes de candidats au 1er collège de 3 établissements. Listes que la RATP conteste au motif que le syndicat ne remplirait pas la condition de transparence financière. Voyant ses 3 listes annulées par le tribunal d’instance, le syndicat s’est pourvu en cassation.

Nous ne nous pencherons ici que sur l’une de ces affaires.

  • Quelles sont donc ces obligations légales liées au critère de transparence financière ?

L’obligation de transparence financière contraint un syndicat à respecter un certain nombre d’obligations d’ordre comptable prévues aux article L. 2135-1 et suivants du Code du travail.

Le syndicat doit :

-        établir des comptes annuels, dans des conditions qui diffèrent selon leurs ressources (1) ;

-        arrêter les comptes par l’organe chargé de la direction et les faire approuver par l’assemblée générale des adhérents ou par un organe collégial de contrôle désigné par les statuts (2) ;

-        assurer la publicité des comptes, selon des modalités qui différent ici aussi en fonction des ressources du syndicat(3).

A défaut de respecter ces exigences légales, le syndicat ne remplit pas tous les critères nécessaires à l’exercice de certaines prérogatives au sein de l’entreprise, telles que désigner un représentant de section syndicale ou encore présenter des listes de candidats aux élections professionnelles.

  • Les conséquences du défaut d’approbation des comptes

Dans notre affaire, le syndicat a bien établi ses comptes et les a fait publier. Ce que lui reproche l’employeur (et les juges du fond), c’est de ne pas les avoir fait approuver tel que le prévoit le Code du travail dans son article L. 2135-4 : « les comptes sont arrêtés par l’organe chargé de la direction et approuvés par l’assemblée générale des adhérents ou par un organe collégial de contrôle désigné par les statuts ».

En effet, pour le tribunal d’instance : « aucun élément ne permet d’établir que les comptes clos et publiés ont été approuvés par l’assemblée générale conformément aux statuts ».

-Pour le syndicat, le critère de transparence financière doit être considéré comme satisfait dès lors que les documents comptables imposés par la loi sont publiés, peu important que les obligations comptables prévues par ses statuts n’aient pas été respectées.

-La Cour de cassation n’est pas du même avis. Elle approuve le tribunal et considère que dès lors que les comptes, même publiés, n’ont pas été approuvés par l’organe statutaire compétent pour le faire, ils ne répondent pas aux obligations légales. En conséquence, le syndicat ne remplit pas la condition de transparence financière et les listes de candidatures qu’il a présentées aux élections professionnelles sont annulées.

  • Des obligations comptables strictement appréciées par le juge

On pourrrait, a priori, être tenté de penser qu’il est facile, pour un syndicat, de satisfaire le critère de transparence financière. D’un côté, le Code du travail fait preuve d’une certaine souplesse en adaptant les obligations comptables en fonction des ressources du syndicat (s’agissant de la tenue et de la publicité des comptes).

De l’autre, la jurisprudence est venue tempérer ces obligations en admettant, par exemple, que les documents comptables, dont la loi impose la confection et la publication, ne constituaient que des éléments de preuve de la transparence financière et que leur défaut pouvait être suppléé par des documents produits par le syndicat que le juge doit examiner (4). Ou encore, que des comptes irrégulièrement publiés au jour de la désignation du représentant syndical n’étaient pas forcément incompatibles avec la transparence financiére, dès lors que le syndicat apportait des éléments supplémentaires prouvant sa diligence au regard de la publication des comptes des années précédentes (5).

Pour autant, tout n’est pas permis ! Preuve en est, les trois arrêts rendus ce 13 juin 2019 dans lesquels le juge apprécie strictement les obligations comptables définies par le Code du travail. Dans deux des affaires, dont la nôtre (6), où il s’agit d’un défaut d’approbation des comptes, il ressort que cette obligation de faire approuver ses comptes en interne est toute aussi importante que leur tenue ou leur publicité et qu’elle ne doit pas être négligée. L’ensemble des obligations comptables fixées par la loi sont cumulatives et non alternatives.

Dans la troisième affaire (7), ce sont les pièces justificatives des comptes du syndicat qui faisaient défaut. Et là encore, le juge a été intransigeant. Si en 2012 la jurisprudence est venue assouplir l’obligation de produire des documents comptables permettant de justifier les comptes, il n’en reste pas moins que cette obligation nécessite de faire référence à un minimum de justificatifs lors de la publication des comptes. Ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Le critère de transparence financière n’était donc pas non plus rempli.

Dans une autre décision récente, la Cour de cassation a jugé que la publication des comptes sur une page Facebook, même publique, n'était pas une mesure de publicité "équivalente" à celle exigée par la loi et ne permettait donc pas de considérer le critère de transparence financière comme satisfait (8).

Attention donc, car les conséquences du non-respect de ces formalités sont importantes : il en va de la faculté des syndicats à exercer des prérogatives dans l’entreprise, y compris lorsqu’ils ne sont pas représentatifs ! La vigilance s’impose donc...

 



(1) Art. L.2135-1 et D. 2135-1 C.trav.

(2) Art. L.2135-4 C.trav.

(3) Art. L.2135-5 et D.2135-8 C.trav.

(4) Cass.soc.29.02.12, n°11-13748.

(5) Cass.soc.17.10.18, n°17-19732.

(6) Cass.soc.13.06.19, n°18-24817.

(7) Cass.soc.13.06.19, n°18-24819.

(8) Cass.soc.17.10.18, n°18-60030.