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Frais professionnels : ils doivent être remboursés, même en l’absence de demande du salarié !

Publié le 12/06/2019

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation rappelle que l'employeur doit obligatoirement prendre en charge les frais professionnels engagés par le salarié. Il importe peu que ce dernier n’ait rien réclamé pendant 8 ans. Cass.soc. 27.03.2019, n°17-31.116.

  • Faits et procédure 

Depuis 2005, un VRP (1) travaillait exclusivement pour une société spécialisée dans la fabrication de radiateurs et de chaudières. En 2013, il saisit la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Peu après, il est licencié pour faute grave.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, le contrat de travail se poursuit. Dans le cas où le salarié est licencié ultérieurement pour d'autres faits, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Dans le cadre de sa demande de résiliation judiciaire, le salarié reproche à son employeur, entre autres griefs, son refus de lui rembourser ses frais professionnels.

Il est à noter que le contrat de travail du salarié stipulait que les frais professionnels (déplacement, hébergement) exposés par lui seraient entièrement à sa charge.

L'employeur doit obligatoirement prendre en charge les frais engagés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de son employeur. Ces frais ne peuvent pas être imputés sur sa rémunération. Cette obligation s'impose à l'employeur même en l’absence de disposition légale ou conventionnelle ou de clause contractuelle (2). D’ailleurs, une clause du contrat de travail qui mettrait les frais professionnels à la charge du salarié doit être réputée non écrite (3).

 

  • Aucune demande de remboursement de la part du salarié en 8 ans

Les juges du fond rejettent la demande du salarié. Ils relèvent que le salarié « n'a jamais, en huit ans de travail, sollicité ou justifié des frais qui se seraient heurtés à un refus de l'employeur puisqu'il n'a jamais rien réclamé ni justifié ». Ils en concluent qu’il ne pouvait reprocher à l’employeur d'avoir manqué à son obligation de remboursement des frais.

Le salarié se pourvoit alors en cassation. La question posée était la suivante :

l’employeur peut-il s’abstenir de rembourser les frais professionnels du salarié au motif que ce dernier n’a rien sollicité pendant plusieurs années ?

  • L’employeur aurait dû rembourser les frais professionnels du salarié

La Cour de cassation répond par la négative et censure le raisonnement de la cour d’appel.

Elle reproche aux juges du fond d’avoir débouté le salarié « alors qu'il résultait de ses constatations que le contrat de travail comportait une clause réputée non écrite comme mettant à la charge d'un salarié les frais engagés par celui-ci pour les besoins de son activité professionnelle et que l'absence de réclamation du salarié du remboursement des frais professionnels qu'il avait supportés n'était pas de nature à rendre le manquement inexistant ».

Dans un premier temps, la chambre sociale rappelle que la clause contractuelle mettant les frais professionnels à la charge du salarié est nulle. Elle ne dispense aucunement l’employeur de son obligation de rembourser les frais professionnels. Au surplus, la Haute juridiction vient préciser que l’absence de demande de remboursement de la part du salarié n’est pas non plus de nature à exempter l’employeur du paiement des frais !

La CFDT salue cette piqure de rappel effectuée par la Haute juridiction. Le principe en est que les frais professionnels engagés par un salarié doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur sa rémunération, et ce, même s’il ne les a pas réclamés...

 



(1) Le VRP (voyageur, représentant et placier) est un salarié dont l'activité consiste à prospecter la clientèle pour le compte d'une ou plusieurs entreprises en vue de prendre et transmettre les commandes. Pour bénéficier de ce statut, il est nécessaire de remplir les conditions posées à l’article L.7311-3 du Code du travail.

(2) Cass.soc. 25.02.98, n°95-44096

(3) Cass.soc. 25.03.10, n°08-43156