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CDD de remplacement : un assouplissement des exigences légales

Publié le 30/05/2018

Répond aux exigences légales du CDD de remplacement le contrat qui indique uniquement les fonctions du salarié remplacé, et non sa qualification, dès lors que la mention renvoie à la grille de classification de la convention d’entreprise. C’est ce que vient de juger la Cour de cassation. Cass.soc.03.05.18, n°16-20.636.

  • Rappel des exigences légales en cas de CDD de remplacement

L’article L.1242-12 du Code du travail impose que le CDD soit établi par écrit et comporte, outre la définition précise de son motif, toute une série de mentions obligatoires. Lorsqu’il s’agit d’un CDD de remplacement, le contrat doit notamment mentionner le nom et la qualification de la personne remplacée. A défaut, le CDD peut être requalifié en CDI.

Afin de limiter les recours abusifs aux CDD, la jurisprudence était jusqu’ici plutôt stricte lorsqu’il s’agissait de vérifier la bonne application des exigences légales relatives aux CDD, puisqu’elle considérait généralement insuffisante l’indication de l’emploi occupé par le salarié absent ou la description de son poste (1). Récemment, il a d’ailleurs été jugé que dans un cas CDD de remplacement, la seule mention de la catégorie de « personnel navigant commercial » ne suffisait pas, au motif que cette  mention ne permettait pas de connaître la qualification précise du salarié remplacé (2).

Cette exigence lors du contrôle semble aujourd’hui être revue à la  baisse  par la Cour de Cassation. C’est ce que laisse à penser  l’arrêt du 3 mai 2018, dans lequel les Hauts magistrats font preuve d’une certaine souplesse quant aux exigences légales attendues dans le cadre d’un CDD de remplacement.

  • Faits, procédure

Dans cette affaire, une salariée est engagée en qualité de technicienne supérieure de laboratoire par 3 CDD de remplacement, conclus entre 2009 et 2012. Elle décide de saisir la justice au motif que ses CDD ne mentionnent pas la qualification du salarié qu’elle remplace. Elle demande la requalification de ses CDD en CDI.

Pour l’employeur, l’obligation légale était bien remplie. Certes, le contrat ne mentionnait pas la qualification de la personne remplacée, mais il indiquait les fonctions de la salariée qui renvoyaient à la qualification professionnelle mentionnée dans la convention d’entreprise, elle même très détaillée.

Les juges du fond ne vont pas être convaincus par ces arguments. Ils considèrent au contraire que les CDD se contentent de mentionner l’emploi de la salariée remplacée et non, comme ils l'auraient dû, sa qualification, c’est-à-dire sa classification, sa catégorie, son échelon et son indice. Ce qui est insuffisant et justifie la requalification en CDI.

  • Renvoyer à la qualification professionnelle suffit

La Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond en faisant preuve de plus de souplesse. Elle considère que la mention des fonctions occupées par la salariée remplacée suffisent à partir du moment où celle-ci renvoie bien à une qualification professionnelle, issue de la grille de classification applicable à l’entreprise.

Tout d’abord, les hauts magistrats relèvent le fait que la convention  d’entreprise détaille précisément la qualification de la salariée remplacée.  Selon la convention d’entreprise du personnel de la société, le technicien supérieur de laboratoire, relevant de la catégorie des agents de maîtrise niveau 4 de la classification conventionnelle des emplois, est « un agent dont la fonction exige des connaissances lui permettant d’adapter et de suivre des préparations, études et analyses sous l’autorité d’un cadre, auquel il est demandé un apport personnel au niveau de l’organisation et de l’interprétation du travail et qui peut être amené à coordonner et conseiller du personnel travaillant sur les techniques qu’il utilise ».

Puis, la Haute juridiction relève le fait que les fonctions de la salariée remplacée mentionnées dans le contrat renvoient expressément à une qualification professionnelle issue de la grille de classification des emplois annexée à la convention d’entreprise.

Les juges en déduisent donc que les contrats répondaient aux exigences légales relatives à l’indication, dans le CDD de remplacement, de la qualification du salarié remplacé.

  • Une solution à surveiller…

La Cour de cassation assouplit donc ici les exigences légales relatives à l'indication, dans le CDD de remplacement, de la qualification du salarié remplacé. Elle conditionne toutefois cet assouplissement au fait que les fonctions de la salariée remplacée renvoyait à un texte qui lui détaillait suffisamment sa qualification.

La solution de la Cour de cassation n’aurait sans doute pas été la même s’il avait été question d’une autre convention. Dans cette affaire, il s’agit d’une « convention d’entreprise du personnel mensuel du Cirad », convention vraisemblablement mise à jour régulièrement et décrivant précisément la qualification professionnelle.

Attention, Il ne faudrait pas que les juges franchissent un pas de plus vers un assouplissement des exigences légales en matière de CDD de remplacement ou de CDD tout court !  Pour rappel, ces exigences existent afin d’empêcher le recours abusif aux CDD.

Avec les ordonnances Macron de 2017, le régime applicable à la requalification du CDD en CDI a récemment fait l’objet d’une évolution. Le non-respect par l’employeur de la transmission du CDD au salarié, au plus tard, dans les 2 jours ouvrables suivant l'embauche (3) ne saurait, à lui seul, entraîner la requalification en CDI. Il ouvre toutefois droit, pour le salarié, à une indemnité à la charge de l'employeur, qui ne peut être supérieure à 1 mois de salaire (4).



(1) Cass.soc.23.10.13, n°12-15.482.
(2) Cass.soc.07.03.18, n° 16-18.914.
(3) Art. L.1242-13 C.trav.
(4) Art. L.1245-1 C.trav.