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CDD: l’autorisation du non renouvellement empêche la requalification judiciaire

Publié le 27/06/2018

En application du principe de la séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut statuer sur une demande de requalification du CDD en CDI si, du fait de la protection du salarié, l’autorité administrative a déjà autorisé le non renouvellement du CDD. C’est ce que juge la Cour de cassation dans un arrêt publié au bulletin. Cass.soc.09.05.18, n°16-20.423.

Selon les articles L. 2412-13 et L. 2421-8, dès lors que son CDD comporte une clause de renouvellement, un non- renouvellement du contrat du salarié bénéficiant d'une protection ne peut intervenir qu’à la condition que l’autorité administrative l'ait, au préalable, autorisé.

  • Faits, procédure

Dans cette affaire, un salarié, conseiller prud’homme, voit son dernier CDD (après plusieurs CDD successifs) ne pas être renouvelé alors que son contrat contient une clause de renouvellement. Le non-renouvellement du contrat ne pouvait intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail dès lors que le salarié bénéficiait d'une protection. Tout d’abord refusée, l’employeur obtint finalement cette autorisation à la suite d’un recours hiérarchique exercé auprès du ministre du Travail. De son côté, le salarié saisit le conseil des prud’hommes pour faire requalifier son premier CDD en CDI et demander la nullité de la rupture du contrat pour violation du statut protecteur.

  • Incompétence du juge judiciaire en cas d’autorisation de l’autorité administrative

 Pour la Cour de cassation comme pour les juges du fond,  dès lors que l’autorité administrative a autorisé de manière définitive le non-renouvellement du CDD du salarié protégé, le juge judiciaire ne peut statuer sur la requalification du CDD en CDI.

Cette décision, qui résulte de l’application du principe de la séparation des pouvoirs, a pour but d’éviter un double contrôle des faits opéré par le juge judiciaire.  En  effet, cela peut surprendre, pour décider ou non d’autoriser le non-renouvellement du CDD, l’autorité administrative doit vérifier, au-delà du fait que la mesure n’est pas discriminatoire, que le CDD n’est pas en réalité un CDI (1). 

Une circulaire de la DGT (2) précise d'ailleurs à ce sujet que « si l’inspecteur du travail constate que le contrat sur le fondement duquel il est saisi présente les apparences d’un CDI, ce qui est le cas si l’employeur n’a pas respecté les dispositions relatives à la législation sur le CDD, il ne peut, compte tenu de la nature effective du contrat unissant les parties, que rejeter la demande présentée ». 

  • Principe déjà appliqué en matière de licenciement et de rupture conventionnelle

Le fait que le principe de séparation des pouvoirs interdise au juge judiciaire de remettre en cause la légalité ou le bien-fondé de la décision rendue par l’inspection du travail en matière de rupture du contrat des salariés protégés n’est pas nouvelle. Ce principe s’applique déjà en matière de licenciement et, plus récemment, en matière de rupture conventionnelle (3).

  •  D’autres recours possibles pour le salarié

L’incompétence du juge judiciaire ne signifie que le salarié doive renoncer à la requalification de son CDD en CDI. Comme le laisse entendre la Cour de cassation, d’autres voies s’offrent en effet au salarié protégé. Il peut soit :

-       former un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif,

-       présenter directement devant le juge judiciaire une exception d’illégalité à l’encontre de la décision administrative. Le juge judiciaire devra alors surseoir à statuer, en attendant que le juge administratif se prononce sur la question préjudicielle dont il est saisi. Si l’autorisation est jugée illégale par le juge administratif, le juge judiciaire pourra alors statuer sur la requalification en CDI.

 



(1) CE du 06.05.96, n°146161.

(2) Circ. DGT. n°07/2012 du 30.07.12, fiche 13.

(3) Cass.soc.20.12.17, n°16-14.880.

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