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CDD : pas de signature égal CDI

Publié le 28/11/2018

La Cour de cassation rappelle aux juges du fond que si le contrat à durée déterminée n’est pas signé par une des parties, il n’y a pas d’écrit. Le contrat peut alors sur ce seul motif être requalifié en contrat à durée indéterminée...Cass.soc. 14.11.18, n°16-19.038.

12 CDD de remplacement conclus en trois ans. La salariée décide de saisir le conseil de prud’hommes pour demander à ce que ses contrats soient requalifiés en CDI, faute pour l’employeur de les avoir signé.

Les juges du fond donnent raison à la salariée en requalifiant les contrats en CDI. Non en raison de l’absence de signature qui ne justifie pas elle seule la requalification en CDI, mais du fait que l’un des contrats a été conclu pour remplacer un salarié faisant valoir ses droits à la retraite. L’employeur n’ayant pas démontré que ce poste allait être supprimé ou pourvu par un autre salarié, les juges retiennent que la salariée a sans nul doute été engagée pour pourvoir un emploi durable. Qui plus est pour les juges, il n’est pas contesté que les CDD ont été conclus avec celui dont la signature fait défaut et qu’ils ont été exécutés conformément aux dispositions qui y étaient contenues.

En retenant ce motif pour requalifier les CDD en CDI, les juges font démarrer le CDI à compter du 16 décembre 2010, ce qui ne convient pas à la salariée. Pour cette dernière, cette solution engendre une ancienneté dans l’entreprise inférieure à 2 ans. Les sommes dues au titre de la rupture prenant en compte une ancienneté erronée vont alors être moindres.

Un pourvoi est formé par la salariée.

Pour garantir une sécurité juridique au salarié et à l’employeur, l’article L.1242-12 du code du travail prévoit que le contrat à durée déterminée doit faire l’objet d’un écrit afin notamment de définir son motif. A défaut le contrat sera requalifié en contrat à durée indéterminée. Seul le contrat à durée indéterminée à temps plein peut ne pas faire l’objet d’un écrit (sauf si une convention collective ou accord collectif de branche le prévoit). L’employeur devra toutefois remettre au salarié la copie de la déclaration préalable à l’embauche (DPAE).

  • L’absence de signature d’un CDD 

La Cour de cassation donne raison à la salariée en reprenant cette fois-ci son argumentation et en citant expressement l'artcile L.1242-12 du code du travail : le défaut de signature de l’employeur sur le CDD permet à lui seul la requalification du contrat en CDI. Cela se justifie par le fait que sans signature d’une des parties, on considère qu’il n’y a pas d’écrit et donc pas de CDD possible. La Cour de cassation avait déjà considéré que la  signature d'un CDD revêt le caractère d’une prescription d’ordre public (2).

La requalification des CDD en CDI est en conséquence antérieure au 16 décembre 2010.

  • Une solution sécurisante 

On peut s’étonner que cet arrêt soit publié tant le principe est classique et logique. En publiant cet arrêt, la Cour de cassation a sans nul doute voulu rappeler aux juges du fond les règles essentielles de l’écrit. Un contrat dérogatoire ne peut être considéré comme conclu sans la signature des deux parties et ce, peu importe qu’il soit exécuté selon les termes du contrat.

En outre, on peut surtout imaginer que la Cour de cassation a voulu par cet arrêt circonscrire les effets des modifications apportées par les ordonnances Macron en la matière. Pour rappel, depuis les ordonnances, le retard dans la remise du CDD (au-delà de 48H) par l’employeur au salarié ne peut plus à lui seul justifier la requalification du CDD en CDI. En revanche, elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité d’un montant maximal d’un mois de salaire (1). Cette nouvelle règle ne doit pas dire pour autant qu’aucun écrit n’aura à être remis au salarié. Par cet arrêt, la Cour de cassation semble vouloir nous le rappeler.

L’article L.1248-7 du Code du travail (toujours en vigueur) prévoit  à côté des sanctions civiles que le fait de ne pas transmettre au salarié le contrat de travail à durée déterminée au plus tard dans les deux jours suivant est puni d'une amende de 3 750 euros. La récidive est punie d'une amende de 7 500 euros et d'un emprisonnement de six mois.

 



(1) Art. L.1245-1 C.trav.

(2) Cass.soc. 31.01.18, n°17-13.131.

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