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CSE : les entreprises de 11 à 20 salariés doivent rester une terre d’élection

Publié le 28/02/2018

Quelle est la conséquence exacte de l'absence de candidature préalable aux élections professionnelle dans les petites entreprises? Sur le procès-verbal de carence type (en ligne sur le site du ministère du travail) il apparaît dans les entreprises de 11 à 20 salariés, le fait qu’aucun salarié n’ait pris l’initiative de présenter sa candidature préalablement à la négociation du protocole d’accord préélectoral (PAP) dispenserait l’employeur d’organiser les élections. Seul problème : ce n’est pas du tout ce que prévoit le Code du travail ! Une interprétation de la loi qui va bien trop loin et qui revient à réhausser le seuil de mise en place du CSE, de 11 à 20. Une interprétation erronée, qui doit impérativement être corrigée. 

  • Rappel des règles relatives à l'organisation des élections

Une fois que l’entreprise a atteint le seuil des 11 salariés pendant 12 mois consécutifs (1), l’employeur est tenu de prendre l’initiative d’organiser les élections, hier de délégués du personnel, aujourd’hui du comité social et économique (CSE).

Pour ce faire, il doit, nous disent les textes, se livrer à deux actions bien distinctes l’une de  l’autre.

-          1ère action : informer le personnel « par tout moyen permettant de conférer date certaine »  de l’organisation à venir des élections tout en veillant à indiquer la date à laquelle le premier tour se tiendra. Premier tour qui, quoiqu’il en soit, devra advenir au plus tard au 90e jour suivant la diffusion de cette information.

-          2ème action : informer les organisations syndicales représentatives, celles qui ont constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement, celles qui sont affiliées à une organisation syndicale représentative au niveau national interprofessionnel ainsi que celles qui satisfont à un certain nombre de critères (respect des valeurs républicaines, indépendance, constitution depuis au moins 2 ans dans le champ professionnel et géographique couvrant l’entreprise concernée) de l’organisation des élections et les inviter à négocier le protocole d’accord préélectoral (PAP).

Oui mais voilà : depuis que l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 est entrée en vigueur, la seconde de ces obligations est susceptible de connaître de sérieuses entorses puisque, le nouvel article L. 2314-5 du Code du travail est venu préciser que « dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés », les employeurs ne seraient désormais plus systématiquement contraints d’inviter les organisations syndicales intéressées à négocier le PAP.

En effet, pour qu’ils aient à le faire, il faut désormais que, dans les 30 jours suivant l’information donnée au personnel, « un salarié se soit porté candidat aux élections » (!)

Dans le cas contraire, ne resterait à la charge de l’employeur que son obligation d’information vis à vis  du personnel mais aussi, nous semble-t-il, son obligation d’information  vis-à-vis des organisations syndicales concernées (sans que celle-ci ne soit désormais assortie d’une invitation à négocier le PAP). 

  • Une nouvelle disposition maladroitement rédigée

L’énoncé de cette nouvelle règle a de quoi surprendre.Par essence, le PAP a pour objet principal de fixer les règles du jeu de l’élection, et parmi elles, les modalités et le timing du dépôt des candidatures. Aussi est-on en droit de se demander comment un salarié pourra, en toute sérénité, présenter sa candidature alors même que les règles appelées à l’encadrer n’auront pas encore été définies !

Que le législateur ait souhaité conditionner l’effectivité de l’invitation des organisations syndicales de salariés à négocier le PAP à une volonté expressément exprimée du collectif de travail de se doter d’une forme de représentation, c’est contestable mais cela peut encore s’entendre. Dans ce cas toutefois, il eût à l’évidence été nettement mieux inspiré d’exiger que, dans les 30 jours suivant l’information donnée aux personnels, un salarié et/ou une organisation syndicale demande une négociation de PAP.

En ne retenant pas ce type d’option et en exigeant qu’un salarié se porte candidat en amont de l’élaboration des règles qui régiront l’élection, la loi ouvre la voie à un certain nombre de difficultés techniques. Nous nous contenterons ici, en posant et dérolant les deux hypothèses possibles (la présence, ou non, d’un candidat par anticipation) d’en soulever deux.

  • 1er cas un salarié se porte candidat « par anticipation » 

Le texte se contente de préciser, de manière on ne peut plus laconique, que l’invitation à négocier le PAP est conditionnée au fait « qu’au moins un candidat se soit porté candidat dans un délai de 30 jours ». Il n’est fait référence ici qu’à un candidat qui se porte lui-même candidat. Cela signifie-t-il qu’une telle candidature ne pourrait voir le jour qu’en dehors du giron syndical ? Une lecture littéraliste pourrait le laisser penser, ce qui à notre sens serait une grave erreur.

Essentiellement parce que ce texte est à articuler avec d’autres, et notamment avec celui qui précise que le premier tour des élections professionnelles fait l’objet d’un monopole syndical (2).

Aussi, après que le salarié se soit porté candidat, le PAP pourra être négocié avec les organisations syndicales intéressées. Dans l’architecture électorale qui sera ainsi retenue, il y aura nécessairement un premier tour, à l’occasion duquel les organisations syndicales seront conduites à présenter des listes de candidats.

  • 2e cas : aucun salarié ne se porte candidat « par anticipation »

Dans ce cas, les textes se contentent de dire, sans plus de précision, que l’employeur n’a plus à inviter les organisations syndicales à négocier le PAP.

Faut-il pour autant en déduire qu’aucune élection n’a alors à être organisée ?

A l’évidence non ! Ici, l’employeur sera « simplement » conduit à organiser les élections hors contingence d’un PAP, et donc en décider seul de ses contours et de ses règles. En soi, une telle capacité patronale à agir unilatéralement n’est d’ailleurs pas quelque chose de tout à fait inédit... Il en va en effet ainsi lorsqu’aucune des organisations syndicales invitées à négocier le PAP n’a donné suite. Et ce déjà bien avant les ordonnances Macron !

Et pourtant à la lecture du PV de carence type mis en ligne sur le site elections-professionnelles.travail.gouv.fr on peut constater que dans les entreprises de 11 à 20 salariés, l’employeur y est présenté comme dispensé d’organiser les élections (1er et 2è tour) dès lors qu’ « aucun salarié ne s’est porté  candidat aux élections dans le délai de 30 jours à compter de l’information du personnel de l’organisation des élection (…) prévue par l’article L. 2314-4 du Code du travail ».

Ce faisant, et via une interprétation aussi extensive qu’orientée des textes, cela revient à un relèvement de 11 salariés à 20 salariés du seuil de mise en place du CSE.

Un tel positionnement inacceptable pour la CFDT qui en exige la révision. 

 

 

 

     

 



(1) Art. L. 2311-2 C.trav.

(2) Art. L. 2314-29 al.2 C.trav.

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