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Egalité hommes / femmes : le Conseil constitutionnel valide le principe de mixité proportionnelle

Publié le 24/01/2018

Voilà une QPC qui aurait pu remettre en cause le principe même de mixité proportionnelle. En contestant un des effets pervers de la règle introduite par la loi Rebsamen en 2015, interdisant, dans certains cas infimes, à un genre de se porter candidat, Force ouvrière aurait pu remettre en cause une règle intelligente et efficace, permettant d’assurer une représentation équilibrée entre hommes et femmes. Equilibrée, la décision du Conseil constitutionnelle l’est également et la CFDT, qui l’a défendue, ne peut que s’en réjouir.  Décision n° 2017-686 QPC, 19.01.18.

 

  •   Le principe de mixité sauvegardé

« Il était loisible au législateur de prévoir un mécanisme de  représentation proportionnelle des femmes et des hommes au sein du comité d’entreprise et de l’assortir d’une règle d’arrondi pour sa mise en œuvre » : le Conseil constitutionnel sauvegarde le principe de mixité proportionnelle, défendu par la CFDT dans le cadre des négociations qui ont précédé la loi Rebsamen.

Cette règle, prévue à l’article L.2324-22-1 du Code du travail (dans sa codification antérieure aux ordonnances) impose, pour chaque collège électoral, que les listes de candidats au comité d’entreprise (aujourd’hui au CSE) qui comportent plusieurs candidats soient composées « d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale ». L’objectif du principe de mixité proportionnelle étant bien d’offrir aux salariés de l’entreprise une liste de candidats qui leur ressemble en terme de genre. Ces listes doivent être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidatures d'un des sexes.

Cette règle, bien comprise dans sa philosophie a pu, ça et là, soulever des réticences syndicales, et générer quelques tentatives de « contournement» de la part d’organisations qui n’ont pas voulu ou pas pu présenter des listes équilibrées. Citons notamment le recours exercé par Force ouvrière visant à faire reconnaître que la mixité proportionnelle s’applique uniquement en cas de « liste de candidats ». Ce qui implique que si une liste ne comporte qu’un seul nom, ce principe ne s’applique pas. Une manœuvre pour l’heure validée par le TI, mais qui, on l’espère, ne passera pas les juridictions d’appel et de cassation.

 

  • La règle adaptée dans le cas d’un genre sous représenté 

Cette règle, certes plus intelligente que celle de la stricte parité, et indispensable pour faire vivre l’égalité de droit entre les hommes et les femmes, y compris dans l’accès aux IRP,  souffrait toutefois d’une faille. Dans les entreprises où un genre était sous représenté, la règle de l’arrondi aboutissait, dans de rares cas, à ce qu’un sexe ne puisse, purement et simplement pas se présenter !

Dans le cas soumis par Force ouvrière, il s’agissait d’une entreprise du secteur construction bois de la région Rhône-Alpes, majoritairement  masculin, et pour lequel la règle de mixité faisait obstacle à ce qu’une salariée se porte candidate. FO, qui a présenté une liste comportant une candidature féminine, a vu sa liste contestée par l’employeur et les autres organisations syndicales, dont la CFDT.

Plutôt que de dénoncer le défaut de la loi et de revendiquer son adaptation, Force ouvrière a décidé d’attaquer la règle de mixité proportionnelle dans son entièreté devant le Conseil constitutionnel. Elle a notamment dénoncé une méconnaissance du principe de participation des travailleurs énoncé au huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’une différence de traitement injustifiée entre les hommes et les femmes, contraire au principe d’égalité devant la loi. (…) affectant la liberté syndicale ainsi que le principe d’égalité devant le suffrage. 

L’honnêteté intellectuelle et l’experience syndicale imposent de reconnaître que si, en l’espèce, il s’agissait ici d’une femme empêchée de candidater, dans d’autres secteurs (notamment ceux de l'éducation ou médico social) la conséquence aurait pu être totalement inverse.

 

  • Une décision des sages équilibrée

Le Conseil constitutionnel a heureusement rendu une décision sage et équilibrée, préservant la règle de la mixité proportionnelle comme étant conforme à l’article 1er de la Constitution : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». Il ressortait donc de ces dispositions que le constituant a entendu permettre au législateur d’instaurer tout dispositif tendant à rendre effectif l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. À cette fin, il était loisible au législateur de prévoir un mécanisme de représentation proportionnelle des femmes et des hommes au sein du comité d’entreprise et de l’assortir d’une règle d’arrondi pour sa mise en oeuvre.

Le Conseil constitutionnel, donne toutefois raison à FO dans ce contexte précis et appelle à une adaptation de la règle en cas de genre sous représenté.  « L’application de cette règle d’arrondi ne saurait, sans porter une atteinte manifestement disproportionnée au droit d’éligibilité aux institutions représentatives du personnel résultant du principe de participation, faire obstacle à ce que les listes de candidats puissent comporter un candidat du sexe sous-représenté dans le collège électoral. »

Il faut donc que des candidats, quel que soit leur genre, aient toujours la possibilité de se présenter pour ne pas compromettre le droit d’éligibilité.

Dans le cas, la liste de FO a de fortes chances d’être validée in fine. Plus largement, le Conseil constitutionnel fait un appel du pied visant à adapter la règle de mixité.

  • Une adaptation législative qui ne s’est pas fait attendre !

Fort heureusement, la règle a déjà changé, par le biais des ordonnances Macron et sous l’impulsion de la CFDT. Lors des auditions nous avons en effet pesé pour que ce « effet pervers » soit corrigé.

Désormais, figure dans le Code du travail, à l’article. L. 2314-30, un nouvel alinéa : « Lorsque l’application de ces règles conduit à exclure totalement la represention de l’un ou l’autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas representé. Ce candidat ne peut être en première position sur la liste. »

La question ne devrait donc plus se poser pour l'avenir, le principe de mixité étant reconnu conforme à la constitution. 

 

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