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Délégué syndical : la durée de la protection est précisée dans les petites entreprises

Publié le 09/12/2020

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, seul un représentant du personnel peut être désigné délégué syndical pour la durée de son mandat. Qu’en est-il alors de la durée de la protection à l’expiration de son mandat ? Est-il protégé durant 6 mois, comme prévu pour les représentants du personnel, ou bien durant les 12 mois fixés pour les délégués syndicaux ? La Cour de cassation vient de trancher : c’est la durée de protection attachée à la qualité de représentant du personnel qui doit s’appliquer, soit 6 mois. Cass.soc.04.11.20, n°19-12.279.

  • Rappel des règles en matière de protection à la fin du mandat 

La question de la durée de la protection après l’expiration du mandat est très importante. Car tant que le salarié est protégé, l’employeur doit demander l’autorisation à l’inspection du travail avant de pouvoir le licencier.

Pour rappel, l’article L. 2143-6 du Code du travail prévoit que dans les entreprises de moins de 50 salariés, « les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique (anciennement délégué du personnel) comme délégué syndical ».  La jurisprudence a durci cette règle, en précisant qu’il ne peut s’agir que d’un élu titulaire (1).

Mais voilà, la durée de la protection à l’expiration du mandat n’est pas la même selon qu’il s’agisse d’un représentant du personnel ou d’un délégué syndical.

- Un délégué syndical (qui a exercé au minimum 12 mois) bénéficie d’une protection de 12 mois (2).

- Un représentant du personnel est protégé durant 6 mois (3).

  • Les faits

Dans cette affaire, il s’agit d’un salarié qui exerce dans une entreprise de moins de 50 salariés. Il a été élu délégué du personnel titulaire et désigné délégué syndical (depuis maintenant plus de 12 mois). Le militant a par la suite démissionné de ses deux mandats. Et plus de 6 mois après, mais moins de 12 mois, il est licencié pour motif économique.

Le salarié décide de contester son licenciement au motif que l’employeur n’a pas demandé l’autorisation à l’inspection du travail pour le licencier. Selon lui, il devait bénéficier de la protection supplémentaire de 12 mois en tant qu’ancien délégué syndical.

Pour les juges du fond comme pour l’employeur, la durée de la protection à retenir n’était pas celle rattachée à son mandat d’ancien délégué syndical, mais bien à celui de représentant du personnel. Son mandat d’élu ayant expiré depuis plus de 6 mois, le salarié n’était plus protégé. L’employeur était donc dans son bon droit en ne demandant pas l’autorisation à l’inspection du travail.

La Cour de cassation a dû répondre à la question suivante.

 Quelle est la durée de la protection supplémentaire pour un ancien délégué syndical dans les entreprises de moins de 50 salariés ? 

 

  • La durée de la protection supplémentaire du délégué syndical limitée à 6 mois

Pour la Cour de cassation, cette solution est logique, puisqu’il résulte du Code du travail (ancienne version) que « dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel peut être désigné délégué syndical pour le terme de son mandat de délégué du personnel et que, donc, la protection supplémentaire est celle de six mois attachée à sa qualité de délégué du personnel et non celle d’un an attachée à la qualité de délégué syndical s'il a exercé plus d'un an ».

Cette analyse confirme la circulaire de la DGT du 30 juillet 2012 relative aux salariés protégés selon laquelle « la cessation de la fonction de délégué du personnel entraînant dans ce cas celle de délégué syndical, il s’ensuit que la protection post-mandat est celle accordée aux délégués du personnel (six mois), et non la protection post-mandat de douze mois accordée aux délégués syndicaux ayant exercé cette fonction pendant au moins douze mois ».

Cette décision est sans nul doute valable pour les membres élus du CSE ! Rendue à propos des anciens délégués du personnel, elle peut sans nul doute être transposée aux situations visant les membres élus du CSE, dans la mesure où les articles du Code du travail n’ont pas été modifiés sur le fond.

  • Un coup dur pour le dialogue social dans les petites entreprises

Pour la Cour de cassation, il est clair que le mandat de représentant du personnel doit primer sur celui du délégué syndical dans ces entreprises. D’ailleurs, le délégué syndical ne bénéficie pas d’heures de délégation. Il doit utiliser les heures de délégation octroyées au représentant du personnel.

Pourtant cette décision n’est pas si logique ; elle est même regrettable…

Il aurait été plus juste d'appliquer la disposition la plus favorable au salarié. D’autant que l’élu qui exerce le mandat de délégué syndical négocie avec l’employeur et s’expose davantage que le représentant du personnel. C’est donc l’objet du mandat qui aurait dû primer pour déterminer la durée de la protection. Car il s’agit bien ici de la protection supplémentaire pour protéger les militants d’éventuelles représailles et de discrimination syndicale.

Cette décision n’encourage clairement pas un élu à être désigné comme délégué syndical dans une petite entreprise ! Ainsi porte-t-elle atteinte au dialogue social. Pourtant à l’origine, cette possibilité, pour un élu, d’être désigné délégué syndical avait au contraire pour objet de favoriser le dialogue social.

Pour info, la Cour de cassation avait déjà précisé (mais cette fois en toute logique) que la protection était de 6 mois lorsque le mandat de délégué syndical confié au délégué du personnel (membre du CSE) a été exercé pendant moins de 12 mois (4).

 

 

 

(1) Cass.soc.20.06.12 n°11-61.176.

(2) Art. L.2411-3 C.trav.

(3) Art. L.2411-5 C.trav.

(4) Cass.soc.12.10.04, n°02-47.048.

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