Retour

CSE : comment déposer une liste conforme au principe de mixité proportionnelle ?

Publié le 14/09/2022

Depuis le 1er janvier 2017, le Code du travail impose la mixité dans la composition des listes de candidats aux élections du CSE, l’objectif étant d’obtenir une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein du CSE. La simple – mais indispensable – connaissance des règles de droit n’est pas suffisante pour constituer une liste conforme, ou vérifier la conformité d’une liste adverse. Il faut également compter avec les nombreuses précisions de la Cour de cassation.

Pour plus de détails, les adhérents ont accès à une fiche thématique en se connectant à l’espace Arc (ici).

La construction des listes

Chaque liste de candidats, titulaires et suppléants, doit être composée de la manière suivante (1): 

- elle doit être proportionnelle au nombre de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale du collège ;

- elle doit comporter alternativement un candidat de chaque sexe.

Cette règle générale s’applique avec les deux précisions suivantes :

- pour passer d’un pourcentage à un nombre de candidats, on arrondit à l’entier supérieur si on a un chiffre avec 0,5 ou plus après la virgule, et à l’entier inférieur si on a moins que 0,5 ;

Exemple :  3,6 = 4 candidats sur la liste, 2,3 = 2 candidats sur la liste.

- dans les cas où un sexe est sous représenté dans une entreprise, c’est à dire lorsque le calcul aboutit à moins de 0,5 candidat, il est possible, pour un représentant de ce sexe, de se porter candidat mais sans être tête de liste. 

 

Le protocole d’accord préélectoral ne peut en aucun cas prévoir de déroger à ces dispositions !

Les sanctions d’une liste non conforme

 Les listes non conformes peuvent être sanctionnées pour deux raisons.

  • Liste non proportionnelle : il est possible de saisir le juge pour obtenir l’annulation de l’élection des élus surreprésentés sur la liste par rapport à la proportion F/H. Le juge procédera à l’annulation en commençant par le dernier ou la dernière élue.

Exemple :

75 % d’hommes et 25 % de femmes :

4 sièges à pourvoir : 3 sièges H et 1 siège F.

Liste 1 : H1/ F1/ H2/ F2 / 2 élus sur cette liste.

Mais en cas de contestation, annulation de l’élection F1 car il y a une femme en surnombre sur la liste.  

Liste 2 : H1/ F1/ H2/ H3 / 2 élus sur cette liste.  

Pas de contestation, la liste respecte la proportion F/H.

 

  • Liste sans alternance : il est possible de saisir le juge pour obtenir l’annulation de l’élection des élus qui ne respecte pas l’alternance F/H. Le juge procédera à l’annulation de l'élection des élus « mal positionnés ».

Exemple :

60 % de femmes et 40 % d’hommes. 

5 sièges à pourvoir : 3 siège F et 2 sièges H.

F1/ F2/ H1/ H2/ F3 : 3 élus sur cette liste.

Mais en cas de contestation : annulation de l’élection de F2 mal positionnée (là ou aurait dû se trouver un homme).

 

Les précisions de la jurisprudence 

Le dépôt d’une liste incomplète

Il est possible de déposer une liste incomplète, à condition de composer sa liste en recalculant la proportion de femmes et d’hommes en fonction du nombre de candidats effectivement présentés, et non plus du nombre théorique de siège à pourvoir(2).

Exemple dans un collège où il y a 8 sièges à pourvoir et 50 % de femmes et d’hommes.

  • Une liste complète doit être composée de 4 femmes et 4 hommes.
  • Une liste incomplète de 4 candidats de 2 femmes et 2 hommes.
  • Une liste incomplète de 2 candidats d’1 femme et 1 homme.

Attention ! Le recalcul ne permet pas d’exclure totalement un sexe de la liste, sauf par exception en cas de sexe ultra minoritaire (voir ci-dessous) …

 

Le dépôt d’une candidature unique

Dans la majorité des cas, une liste avec un seul candidat ou une seule candidate n’est pas valable. L’élu perdra son mandat en cas d’action en justice de l’employeur, d’un syndicat ou même d’un salarié.  

Par exception, une candidature unique est admise lorsque le calcul de proportionnalité au regard du nombre de sièges à pourvoir aboutit à un résultat inférieur à 0,5 pour un sexe.

 

C’est donc uniquement dans cette situation, où un sexe est ultra majoritaire, qu’il sera permis de présenter une candidature unique de ce sexe(3).

 

Exemple dans un collège où il y a 2 sièges à pourvoir et 90% de femmes

Le calcul de proportionnalité aboutit à 1,8 candidature pour les femmes, et donc 0,2 pour les hommes => le syndicat peut présenter une candidature femme unique.

Exemple dans un collège où il y a 5 sièges à pourvoir et 90 % de femmes

Le calcul de proportionnalité aboutit à 4,5 candidatures femmes et donc 0,5 homme. En application de la règle de l’arrondi (0,5 arrondi à 1), la liste devra comprendre nécessairement un candidat homme => le syndicat ne peut pas présenter une candidature femme unique.  

 

La possibilité d’un contentieux préélectoral

La jurisprudence a ouvert la possibilité d’un contentieux préélectoral dès le dépôt de la liste(4), dans une logique préventive visant à éviter les recours après le résultat des élections. Cette possibilité est venue renforcer l’importance de la mixité proportionnelle.

En effet, le tribunal judiciaire peut déclarer une liste irrégulière à condition de statuer avant l’élection, en reportant la date de l’élection, le cas échéant, pour en permettre la régularisation.

Pour être effective, cette possibilité nécessite une clause dans le PAP prévoyant un délai suffisamment long - au moins 2 mois - entre le dépôt de la liste et le premier tour. 

 

L’absence de « double sanction » en cas de candidatures d’un seul sexe

Une précision importante de la Cour de cassation concerne l’application des sanctions. Nous savons que la candidature d’un élu peut être annulée en raison d’une mauvaise proportion sur la liste, comme en raison d’un manquement à la règle de l’alternance.  

Toutefois, si le syndicat n’a présenté qu’un seul sexe alors qu’il était tenu de présenter également une candidature du sexe minoritaire, il ne peut être sanctionné qu’au titre du défaut de proportion(5). La Cour considère donc que la sanction du défaut d’alternance est inopérante dans ce cas.

Autrement dit, le syndicat qui présente et obtient 3 élus hommes alors qu’il devait présenter une femme s’expose seulement à l’annulation du dernier candidat élu !

 

Cette règle a le mérite de la simplicité, mais elle peut faire débat en ce qu’elle n’incite pas vraiment à respecter l’objectif de mixité proportionnelle...

Selon la Cour de cassation, le fait qu'un sexe soit majoritaire n'impose pas de le présenter en première position ! Le syndicat reste libre de mettre en tête de liste une femme ou un homme(6), peu importe la proportion...

 

La non-application des règles de mixité aux candidatures libres

Enfin, une dernière décision qui interroge : la Cour de cassation a décidé de soustraire les listes libres présentées au second tour des élections professionnelles des règles de mixité proportionnelle(7) !

Depuis l’entrée en vigueur de la loi Rebsamen, il semblait pourtant évident que l’ensemble des candidatures aux élections professionnelles soient soumises aux mêmes règles. Juridiquement, l’article L.2314-30 du Code du travail, qui pose le principe de la mixité proportionnelle, précise en effet que cela s’applique aux listes de candidats mentionnées à l’article L2314-29 du même Code. Or cet article évoque aussi bien le 1er que le 2è tour des élections professionnelles - et donc les listes libres ! 

Pourtant, la Cour de cassation considère que les dispositions de l’article L.2314-30 « éclairées par les travaux parlementaires » s’appliquent uniquement aux organisations syndicales pour les deux tours.

Ce faisant, nous déplorons cette décision, en ce qu’elle contribue à dévoyer l’objectif de mixité proportionnelle et parce qu’elle permettrait à des candidatures syndicales de contourner la règle. Cette décision est aussi inquiétante en ce qu’elle fait la part belle aux syndicats « maison » ... 

 

 

 

(1) Art. L.2314-30 C.trav.

(2) Cass.soc. 17.04.19, n°17-26724.

(3) Cass.soc. 11.12.19, n° 18-26.568.

(4) Cass.soc. 11.12.19, n° 18-26.568.

(5) Cass.Soc. 9.09.20, n° 19-18.900. 

(6) Cass.soc. 27.05.20, n° 19-60147.

(7) Cass.Soc. 25.11.20, n°19-60222.